La Directive Solvabilité 2 prévoit la mise en place d’une Fonction Actuarielle (FA), sous l’égide d’un responsable de la fonction actuarielle (RFA). Ce dispositif, relativement nouveau sur le marché français, et la production du rapport par lequel le RAF fait part aux dirigeants effectifs et à l’organe d’administration de ses conclusions, constitueront un des défis de l’année 2016.
1. Les missions de la fonction actuarielle
La Directive a fixé à la FA un rôle très large. Elle doit être un garde-fou, qui s’assure en permanence de la bonne maitrise des risques techniques, et peut intervenir sur l’ensemble des sujets de nature actuarielle.
Le garant de la qualité des données
La FA doit s’assurer de la qualité des données utilisées pour le calcul des provisions. Dans la pratique, les contrôles effectifs sur ces données seront en général menés par des équipes dédiées, relevant typiquement des directions informatiques. La FA devra néanmoins assumer un rôle d’animateur, et émettre un avis de synthèse sur la qualité des données et les travaux à mener sur les bases.
Le coordonnateur du calcul des provisions
La directive fixe à la FA un rôle de coordonnateur du calcul des provisions. Idéalement, elle n’intervient pas directement dans ce calcul, de façon à conserver une indépendance de jugement, mais tient un rôle de contrôle de second niveau. Elle doit éclairer les dirigeants effectifs et le conseil d’administration en leur fournissant un deuxième avis sur le niveau et la solidité des provisions, indépendant du processus des comptes.
Elle doit notamment :
- s’assurer que les méthodologies retenues sont pertinentes (par exemple le choix d’un modèle actif/passif en assurance vie, ou d’une méthode de chain ladder en IARD).
- s’assurer que les paramètres utilisés pour ces calculs sont appropriés (tables de mortalité en assurance vie, d’incapacité/invalidité en prévoyance, taux d’inflation en IARD…)
- suivre dans le temps l’évolution des provisions prudentielles, via notamment des études de backtesting et un suivi des boni-mali en best estimate.
Le suivi de la politique de souscription
La FA doit produire un avis général sur la politique de souscription, son caractère adapté, et les éventuelles zones de fragilité. Comme dans le cas des provisions, elle n’est pas nécessairement en charge de l’établissement effectif du tarif, mais intervient en second regard, permettant d’alerter les dirigeants de l’entreprise si certains segments du portefeuille venaient à se dégrader.
Elle s’intéresse notamment au caractère adapté du tarif, au risque d’anti-sélection ou à la présence de concentration excessive de risques ou de risques non maitrisés dans le portefeuille.
Le suivi de la réassurance
La fonction actuarielle est un interlocuteur naturel en ce qui concerne la réassurance. Elle s’assure que les risques de pointes du portefeuille sont biens couverts, et qu’un unique sinistre ou événement défavorable ne risque pas de mettre en péril la solidité de l’assureur. Elle peut également émettre un avis sur l’opportunité ou le coût de certains traités.
Le rapport actuariel
Au final, la FA doit être un lanceur d’alerte sur les différents sujets de nature actuarielle. Ce rôle se manifeste en particulier par la rédaction d’un rapport à destination du conseil d’administration, et qui vise notamment à répondre aux principales questions :
- les provisions sont-elles suffisantes ?
- le tarif est-il approprié et la stratégie de souscription pertinente ?
- la réassurance est-elle adaptée au portefeuille ?
Pour mémoire, ce rapport n’est pas envoyé automatiquement à l’ACPR, mais celle-ci peut le demander.
2. L’organisation de la fonction actuarielle
Les fonctions actuarielles sont en cours de déploiement chez la plupart des acteurs du marché. Les modes d’organisation varient, mais plusieurs modèles semblent émerger.
Au sein des entités d’assurance
Certains acteurs confient la responsabilité de la FA aux équipes en charge de l’actuariat opérationnel (inventaire, bureaux d’étude…). Cette solution permet à la FA d’avoir un plein accès aux données et une excellente compréhension des calculs réalisés. A contrario, le fait d’être juge et partie peut restreindre son indépendance.
Un autre modèle consiste à mettre en place une équipe dédiée uniquement à la fonction actuarielle, qui pourra ainsi offrir un second regard en toute indépendance. Cette solution reste néanmoins lourde, car elle nécessite de mettre sur pied une équipe actuarielle à part entière détachée de toute fonction de production.
Un dernier modèle consiste à externaliser la FA, typiquement via un cabinet d’actuariat conseil. Dans ce schéma, un RAF doit être nommé en interne dans la société. Il centralisera les travaux effectués par les équipes du prestataire externe.
Au sein des groupes d’assurance
Dans le cas des groupe, la FA doit être déployée à deux niveaux : des fonctions dites solo suivent les risques afférents à chacune des entités, quand la fonction groupe se prononce sur les politiques de souscription ou de provisionnement en vision consolidée. L’interaction entre ces deux niveaux est complexe à mettre en œuvre, et plusieurs modèles peuvent être envisagés.
Dans certains groupes, les fonctions solo ont une autonomie forte, et le niveau groupe fixe les normes actuarielles et consolide les travaux réalisés dans les filiales. Dans d’autres, les FA groupe et solo sont regroupés au sein d’une même équipe rattachée à la holding