Brève ” Loi industrie verte et tables de mortalité : un nouveau chantier pour les acteurs de la retraite supplémentaire “

La Loi n°2023-973 du 23 octobre 2023, relative à l’« Industrie Verte », contient plusieurs dispositions en matière d’épargne retraite, dont une modification notable qui concerne les tables de mortalité utilisées pour estimer le prix des rentes viagères sur les contrats collectifs (contrats L.911-1 du Code de la Sécurité Sociale). Cette modification est directement liée à l’arrêt « Test-Achats » du 1er mars 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne, qui avait conduit à la l’harmonisation des tables de mortalité pour les contrats individuels de retraite dès le 21 décembre 2012.

En vertu de l’article 35 de la Loi Industrie Verte, cette unification s’appliquera également aux contrats collectifs (contrats souscrits dans le cadre de l’article L.911-1 du Code de la Sécurité Sociale) dès le 24 octobre 2024.

Cette obligation d’uniformisation des tables de mortalité soulève un enjeu majeur : quelle table de mortalité adopter à l’avenir ?

L’utilisation d’une table féminine pour toutes les liquidations de rentes viagères est une possibilité, qui impliquerait un surcoût global estimé entre 4% et 9%, selon la proportion de femmes dans la population assurée, avec pour conséquence une baisse équivalente du montant des arrérages totaux versés sur les portefeuilles de rentier de type PER. Les souscripteurs, mais surtout les assurés, pourraient légitimement attendre une redistribution de ce surcoût au travers de participations aux bénéfices ajustées contractuellement, menant à des compléments de revalorisation des rentes compris entre 0,3% et 0,6% annuellement, en fonction de la répartition Femmes/Hommes des populations assurées. Un sujet significatif financièrement.

Dans le cadre des discussions en cours au sein de la profession, une table unique, reflétant mieux la composition de la population assurée, pourrait être proposée. Cette proposition, nécessitant l’approbation de l’autorité prudentielle, surviendrait alors que les tables de mortalité en vigueur pour la tarification des rentes viagères (les tables de mortalité « TGH05 » et « TGF05 »), qui datent de plus de 18 ans, doivent également être révisées.

Rappelons enfin qu’il est toujours possible de bâtir les tarifs à partir de tables de mortalité d’expérience, propres à chaque portefeuille, ce qui est une solution optimale pour intégrer les spécificités des populations, dont le genre. Cette solution présente aussi l’avantage, dans le cadre prudentiel FRPS, de permettre dans certains cas de proposer des tarifs moins élevés que ceux obtenus avec les tables réglementaires.

Au-delà du choix de la table de mortalité, il est à noter que pour les contrats conclus avant le 24 octobre 2024, et pour leurs adhésions antérieures, les tables genrées pourraient encore être utilisées, pour les liquidations survenant jusqu’au renouvellement tacite suivant (souvent annuel). Néanmoins, et sous réserve de confirmation juridique, les contrats avec une durée prédéfinie, comme ceux liés à des contraintes de marché public, pourraient maintenir l’usage de tables genrées jusqu’à la fin de leur terme, mais pour les seuls assurés y ayant adhéré avant le 24 octobre 2024.

Quant à l’application sur les compartiments des Plans d’Épargne Retraite (PER), c’est principalement le « compartiment 3 » du PER Obligatoire (PERO) qui est visé, puisque les compartiments 1 et 2 autorisent une liquidation des droits sous forme de capital, régime en général privilégié par les bénéficiaires.

Pour les anciens contrats de type “Article 83”, deux situations peuvent se présenter :

  • S’agissant des contrats classiques d’« Epargne convertissable en rente », les liquidations postérieures au premier renouvellement tacite survenant après le 24 octobre 2023 devront donc être effectuées suivant une table unique, pour l’ensemble des droits acquis ;
  • Pour le cas particulier des contrats dont les droits étaient exprimés sous la forme de « pieds de rente » ou de « points », le changement ne saurait être rétroactif, puisque les droits acquis suivant les tables genrées ont déjà fait l’objet d’une conversion de la prime vers le droit à rente. En revanche le contrat devra éventuellement faire l’objet d’un aménagement dès 2024, afin d’organiser l’acquisition des droits pour les adhésions postérieures au 24 octobre 2024, et pour l’ensemble des adhérents, à compter de la 1ère reconduction tacite.

Cette évolution doit donc être intégrée à tout étude d’opportunité du transfert des droits des anciens contrats de type « Article 83 » vers les nouveaux plans d’épargne retraite (PERO), en particulier pour les assurés de sexe masculin, a priori les plus impactés par la disparition programmée de la table reflétant leur mortalité.

Il est à préciser que les sorties en capital, correspondant aux rentes dont le montant annuel est inférieur à 1.320 € par an, bénéficient déjà d’un régime fiscal avantageux propre aux « Article 83 », et non dupliqué dans les PERO, ce qui pourrait dissuader de transférer l’épargne vers un PERO.

En attendant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions dans un an, il est important pour les assureurs ou les sociétés de gestion, les souscripteurs et leurs conseils juridiques et actuariels, de se pencher sur ces questions afin de faire les choix les plus adaptés.

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