Début des concertations sur le dispositif « Reste à charge zéro »

Dans le cadre du projet de « Reste à charge[1] zéro » pour l’optique, les prothèses dentaires et les audioprothèses, promesse de campagne d’E. Macron, le gouvernement a lancé, fin janvier, les concertations avec les différents acteurs (organismes complémentaires et professionnels concernés).

L’objectif affiché : atteindre un reste à charge nul d’ici 2022 sans pour autant « peser sur l’évolution des tarifs des assurances complémentaires au-delà de l’évolution tendancielle observée ». Pour cela, le gouvernement se donne jusqu’à juin 2018 pour arrêter les principaux paramètres.

 

Un constat : un taux de renoncement aux soins trop important

Les lunettes, les prothèses dentaires et les audioprothèses font partie des dépenses de soins les moins bien remboursées par l’Assurance Maladie Obligatoire du fait notamment d’une décorrélation entre les tarifs de remboursement et les prix réellement pratiqués. Ces actes sont ainsi majoritairement pris en charge par les organismes complémentaires et les assurés eux-mêmes.

Ils affichent des taux de reste à charge significatifs : la DREES évalue en 2016 à 8% le taux de reste à charge (part des dépenses restant à la charge des ménages après intervention des régimes de base et organismes complémentaires) pour l’ensemble des dépenses de soins de santé mais à 23% pour le dentaire et 22% pour l’optique. Concernant les audioprothèses, le gouvernement avance un taux de 53%.

En complément de ce constat, l’IRDES a mis en évidence des taux de renoncement aux soins pour raisons financières de 17% pour les soins dentaires et 10% pour les lunettes et lentilles. Par définition, ce renoncement touche en priorité les personnes aux revenus les plus modestes pour qui ces taux peuvent atteindre 17% pour les lunettes et lentilles, et plus de 28% pour les soins dentaires.

 

La feuille de route

L’objectif du gouvernement n’est pas d’atteindre une prise en charge intégrale sur tous les coûts mais sur un « panier de prestations nécessaires et de qualité«  permettant de répondre efficacement aux besoins de soins.

Les consultations en cours et à venir avec les différents acteurs du marché devront permettre de définir la mise en œuvre opérationnelle du dispositif qui devrait nécessiter une évolution du cadre réglementaire, social et/ou fiscal actuel.

 

Les pistes de réflexion

Des recommandations / pistes de réflexion ont d’ores et déjà été formulées par différents acteurs (FNMF, réseaux de soins…), par exemple :

  • La réduction du taux de TVA à 5,5% sur les lunettes ;
  • La dissociation des coûts entre l’appareil et le suivi pour les audioprothèses ;
  • La mise en place d’un forfait annuel en dentaire, entièrement pris en charge, permettant aux assurés de financer des actes de prothèses dentaires,
  • Le développement des centres mixtes optique-audition,
  • L’investissement dans la prévention et l’innovation.

Concernant les professionnels de santé, des efforts de réduction des tarifs seront demandés, notamment pour les dentistes, au regard des reste à charge élevés sur les prothèses (la Sécurité sociale pointe le déséquilibre entre les soins conservateurs qui représentent 42% des actes réalisés pour seulement 15% du total des honoraires des dentistes, et les soins prothétiques qui génèrent la moitié des revenus totaux mais ne représentent que 11% des actes).

 

Quels impacts pour les complémentaires santé ?

Le gouvernement a prévu d’insérer la notion de reste à charge nul dans le cahier des charges du contrat responsable.

A noter également que pour l’Aide à la complémentaire santé (ACS), la prochaine sélection des contrats a été repoussée d’un an afin de pouvoir intégrer les nouvelles dispositions dans le cahier des charges.

Si la mise en place d’un tel dispositif s’intègre dans la lignée des dernières réformes via une augmentation de l’accès aux soins et la volonté de couvrir une majorité des français, plusieurs problématiques peuvent néanmoins être soulevées.

Concernant les tarifs pratiqués par les complémentaires santé, même si le souhait affiché est de ne pas provoquer de hausse, il semble probable que les efforts financiers nécessaires à l’atteinte de l’objectif « Reste à charge 0 » nécessitent des efforts partagés par tous les acteurs : Sécurité sociale (via par exemple la revalorisation de tarifs de prise en charge de certains autres actes), professionnels (via par exemple l’encadrement de certains prix pratiqués) et… organismes assureurs.

D’autre part, une analyse a posteriori de l’impact de la mise en place du dispositif devra être menée afin d’en mesurer les effets réels. En effet, au-delà des études sur les coûts moyens des actes, des études de comportements des assurés seront nécessaires, notamment sur les évolutions de fréquence des actes (baisse des renoncements aux soins) et, pour les contrats individuels, sur l’impact d’un potentiel phénomène d’antisélection[2] dont le véritable niveau est généralement difficile à estimer.

A ce jour, il est encore trop tôt pour estimer l’éventuel impact de ce dispositif sur les tarifs des complémentaires santé, aucune annonce de mesure précise n’étant prévue avant la fin des consultations.

Pour les contrats d’entreprise, il convient de mener dès à présent des études détaillées sur la « consommation » des assurés (coûts / fréquence) afin de pouvoir mesurer les impacts potentiels des mesures dès leur annonce et anticiper ainsi tout ajustement nécessaire pour maintenir l’équilibre des régimes. 

 

[1] Part des dépenses de santé qui reste à charge des ménages après les remboursements de l’Assurance Maladie Obligatoire et des complémentaires santé

[2] Phénomène de dissymétrie de l’information entre l’assureur et l’assuré, qui peut être résumé par « un individu s’assure contre le risque X car il sait que des coûts vont prochainement survenir ».

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