Dans un environnement hyper-concurrentiel et en pleine mutation, les assureurs automobiles se doivent d’être de plus en plus innovants afin de conquérir de nouvelles affaires et faire baisser le taux de résiliation. Avec des assurés de plus en plus sensibles aux prix de leur assurance et le développement de la vente par internet et des comparateurs d’assurances, la fidélisation et la résiliation deviennent des enjeux cruciaux pour les assureurs notamment au vu du taux moyen de résiliation constaté en 2013 de l’ordre de 16 %. Avec l’entrée en vigueur de la loi Hamon au 1er janvier 2015, qui permet la résiliation à tout moment après un an d’assurance, les assureurs vont devoir redoubler d’ingéniosité pour fidéliser les assurés et ainsi baisser ou du moins maintenir le turn-over du portefeuille. Il sera donc non seulement primordial d’avoir un tarif attractif en prenant en compte les évolutions du marché mais également facile d’accès. Le développement du digital pourrait bien être la source de beaucoup de changements à l’avenir…
Le panorama du marché automobile
Un marché en difficulté
Le marché automobile est aujourd’hui victime à la foi d’un phénomène de saturation et d’une hausse de ses coûts.
Le nombre de véhicules assurés connait une croissance lente, de l’ordre de 1 % par an. Ce marché largement mature est réputé pour être saturé, et cela n’ira pas en s’arrangeant. Aux acteurs traditionnels (mutuelles, mutuelles sans intermédiaires et assureurs traditionnels), viennent aujourd’hui s’ajouter les bancassureurs. Ceux-ci, qui ont fait de l’automobile l’un de leur principaux relai de croissance, voit leur part de marché augmenter rapidement : négligeable il y a dix ans, elle approche les 20 % aujourd’hui, et devrait continuer à augmenter dans les prochaines années.
Une part croissante des assurés change régulièrement d’assureurs à la recherche du meilleur prix. Ce nouveau mode de comportement est facilité par le développement de la vente par internet en général, et des comparateurs d’assurance en particulier. En simplifiant les procédures de changement d’assureur, et en permettant de comparer plus facilement les devis, internet a contribué à changer le modèle de gestion classique.
Le marché observe également une dégradation forte de la sinistralité corporelle depuis plusieurs années. Cette hausse est portée par une série d’évolutions jurisprudentielles, toutes défavorables aux assureurs. Depuis 2013, l’indexation sur l’inflation des rentes versées aux victimes d’accidents de la route est à la charge des assureurs, pour un coût annuel de l’ordre de 2 à 4 % de leurs primes. Par ailleurs, la gazette du palais (journal de référence de la magistrature) a proposé un nouveau barème de référence pour les garanties corporelles versées en capital. Ce barème est progressivement mis en place par les cours de justice, et devrait également se traduire par une hausse de 2 à 5 % de la charge des sinistres. Enfin, sur le plan comptable, la baisse des taux d’intérêt entraine une hausse du montant des rentes en service et plombe à court terme les comptes de résultats des assureurs automobiles. Ces coûts corporels en hausse participent à la dégradation de la rentabilité du marché automobile, dont le ratio combiné en 2014 était de 106 % (en hausse depuis trois ans).
Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2015, la taxe sur les contrats de protection juridique est passée de 9 % à 11,6 %. Cette augmentation a été mise en place pour garantir le financement de l’aide juridictionnelle. Cette nouvelle réforme n’est pas à l’avantage des assureurs.
Mais un marché stratégique…
Devant cette situation pour le moins mitigée, on aurait pu craindre d’assister à un désengagement partiel des assureurs. Mais, avec l’entrée de nouveaux acteurs et une forte compétition pour les parts de marché, c’est le contraire qui se produit. En effet, le marché automobile reste à bien des égards incontournables : il représente plus de 35 % des primes de l’assurance dommage, et près d’un assuré sur deux qui rentre chez un agent général le fait pour souscrire une assurance automobile. Ainsi, pour de nombreux acteurs, tels les mutuelles sans intermédiaires, l’automobile est et restera le cœur de métier. Et pour d’autres, comme les assureurs traditionnels et les bancassureurs l’assurance automobile est un excellent produit d’appel, dans une logique de multi-équipement.
… en pleine mutation
Face à ces nouveaux défis, le business model de l’assurance automobile est en évolution.
L’automobile est une branche d’assurance relativement longue, du fait du traitement lent des sinistres corporels par la justice. Les assureurs ont donc pu compenser par les produits financiers un résultat technique faible (en quinze ans, le ratio combiné du marché n’est jamais descendu en dessous de 100 %). Face à un environnement de taux bas durables, cette logique devient de moins en moins tenable, et le marché cherche à renouer avec la rentabilité technique. Or, la recherche de cette rentabilité devient complexe du fait de la forte compétition entre les acteurs. Pour résoudre ce dilemme, le marché devrait donc évoluer progressivement vers une individualisation toujours plus forte du tarif. Une meilleure connaissance client sera nécessaire pour pouvoir prédire au plus près les comportements.
Par ailleurs, la loi Hamon va inciter les assureurs à avoir une politique de tarification réactive et devront être capable d’adapter leur tarif rapidement.
Les enjeux à venir
Des offres modulables
Il y a quelques années, les offres packagées étaient à la mode, c’est-à-dire que les assureurs proposaient plusieurs gammes de produits (en général trois, d’une couverture basse, dite au tiers à une couverture plus haute, dite tous risques). Suite aux fortes évolutions technologiques des véhicules ces dernières années, les assurés ont des besoins assurantiels plus spécifiques. Ainsi, les assureurs ont fait preuve d’innovation en proposant plus d’offres dites « socle » que l’assuré peut assortir d’options. Cela permet ainsi à l’assuré de moduler son contrat en fonction de ses caractéristiques et de ses besoins. En effet, un assuré qui utilise son véhicule neuf tous les jours pour aller sur son lieu de travail et qui laisse sa voiture sur un parking extérieur va vouloir davantage de garanties qu’un assuré qui utilise sa voiture occasionnellement et qui la laisse dans un garage le reste du temps.
Un service client axé sur la simplicité d’utilisation
Dans le monde actuel où les nouvelles technologies (téléphones, ordinateurs, etc.) ont pris place dans la vie de tous les jours, les assurés souhaitent pouvoir souscrire une assurance rapidement. Les assureurs se doivent de suivre cette évolution et ainsi d’avoir un tarif réactif à la demande. Il ne va plus seulement falloir créer un tarif, il va falloir proposer un tarif adapté au profil et un service client efficace. Afin de satisfaire cette envie de rapidité et de facilité, internet semble une bonne issue. Les contrats en ligne ont de plus en plus d’adeptes. En effet, le prospect peut moduler son contrat de chez lui en l’adaptant à ses besoins. Par ailleurs, si le site est intuitif, il y gagne également un temps précieux, ce qui est appréciable de nos jours… Ce service en ligne cumulé à une assistance téléphonique prouve souvent une satisfaction des assurés. Les démarches administratives semblent alors être moins difficiles qu’il y a quelques années…
Avec toujours plus de digital
Par ailleurs, des études ont prouvé que le service client dans le cadre de la gestion d’un sinistre était souvent jugé insatisfaisant par les assurés. Ce problème pourrait devenir un enjeu majeur dans la fidélisation de l’assuré. Des assureurs ont d’ailleurs commencé à se servir du digital pour développer des applications mobiles qui accompagnent l’assuré en cas de déclaration d’un sinistre. L’application permet également de suivre l’évolution du sinistre au fil du temps. Dans le monde actuel, le développement du digital devient un besoin essentiel, c’est pour cela qu’en plus de l’application mobile de gestion des sinistres, on retrouve également le « pay how you drive ». Ces premières applications risquent d’être les premières d’une longue série. Par ailleurs, cette individualisation doit permettre de fidéliser les bons risques, tout en tarifant justement les moins bons conducteurs. Les assureurs mettent ainsi de plus en plus de moyens dans les applications destinées à faciliter la vie des assurés dans la gestion de leur contrat.
Sans oublier les jeunes conducteurs qui sont des futurs « bons risques »
D’autres assureurs misent sur les jeunes conducteurs. Or, la tarification de ces assurés est devenue plus complexe depuis que la tarification par sexe est devenue interdite fin 2012. Cependant, certaines études actuarielles ont montré qu’il était possible de compenser ce critère homme/femme à travers d’autres variables. Dans une étude récente, il a été démontré que la connaissance du kilométrage annuellement parcouru constitue une variable très significative (Lemaire et al., 2014). A l’avenir, les assureurs risquent donc d’affiner leurs études dans ce sens. Par ailleurs, il est normal que les meilleurs assurés aient une appétence à initier les bons gestes et réflexes à leur enfant. Ainsi, d’une part, les meilleurs assurés ont, une forte probabilité d’être de « bon risque » et d’autre part les parents, qui sont eux de bons risques, ont toutes les chances de rester chez le même assureur pour leur enfant s’ils sont satisfaits. L’enjeu est donc double, c’est pourquoi, l’analyse des profils assurés a une grande importance. Afin de les fidéliser, il va être important, en plus d’un tarif attractif, de leur donner envie de rester à travers des gestes commerciaux (réduction du tarif plus rapide en l’absence de sinistre responsable, avantages client, etc.).
Pour cela, la télématique (matériel ajouté aux voitures afin de récupérer les données) est de plus en plus utilisée pour les jeunes conducteurs. Les informations sont obtenues à partir de différentes sources (les fabricants qui installent des capteurs sur les véhicules, les opérateurs téléphoniques et les vendeurs d’applications de smartphone).
Le covoiturage et les véhicules en libre-service, des cibles à ne pas manquer
En effet la pratique du covoiturage et les mises à disposition de véhicules de location se sont développées ces dernières années. Cette pratique a fortement augmenté du fait notamment d’application mobile facile d’utilisation et sécurisée. Depuis quelques années, les personnes trouvent ainsi dans le covoiturage une façon agréable de voyager. Il est donc important que les assureurs s’adaptent à cette nouvelle technique de transport en proposant des garanties spécifiques au covoiturage. Dès début 2015, certains partenariats s’inscrivent d’ailleurs dans cette approche d’économie collaborative comme, Axa et BlaBlaCar, Allianz et Uber ou encore Generali et OuiCar.
Ce phénomène modifie le fonctionnement du marché puisqu’il engendre une diminution du nombre de propriétaires, et donc une diminution du nombre de primes versées à l’assureur. De plus le covoiturage a aussi pour effet réduire le kilométrage et donc les risques liés au moteur.
A surveiller : la voiture sans conducteur, le monde de demain ?
L’automobile reste un secteur en forte innovation technologique. Qui sait ce que seront les véhicules de demain (véhicules capables d’éviter les accidents, voitures sans pilotes…) ? Même si le changement n’est pas immédiat, les assureurs ont tout intérêt à se préparer afin de ne pas rater probablement une belle opportunité d’attirer des assurés. En effet, les voitures automatiques permettraient de réduire considérablement le nombre d’accidents de la route, causés dans 90 % des cas par des erreurs humaines. Des avancées technologiques comme l’usage de la caméra arrière contribuent déjà à une diminution du coût du risque.
L’évolution de ce genre de véhicules mettrait davantage de pression à la baisse sur les primes et segmenterait les risques associés à la conduite qui sont couverts par les produits actuels. De nouvelles couvertures pourraient voir le jour comme la responsabilité des produits et le cyber-risque.
Par exemple, lors d’une situation inévitable, la programmation du véhicule doit-elle toucher un autre véhicule et être endommagés ou dévier sa trajectoire et potentiellement tuer un piéton ?
Vers une évolution rapide du marché
L’évolution du marché automobile va obliger les assureurs à fragmenter davantage les risques couverts. De nouvelles opportunités sont à saisir mais une menace est également présente dans la gestion des relations clients.
De plus, l’exploitation et l’analyse des nouvelles sources de données deviendront de plus en plus importantes et permettrait aux assureurs d’obtenir des informations précieuses sur le risque propre à chaque assuré.