La loi PACTE, notamment par la création du PER, a rapproché le monde de l’épargne salariale et de l’assurance retraite. Trois ans après sa promulgation, les outils d’épargne salariale et d’épargne retraite à destination des salariés et des services RH ont-ils évolué ? Certaines nouvelles transformations pourraient-elles avoir lieu ?
Cet article s’inspire des échanges ayant eu lieu lors de la table ronde de l’Observatoire EPS GALEA dont le sujet était le suivant : « Pacte, An 3 : les outils d’épargne salariale-retraite ont-ils vraiment évolué ? ». Un compte-rendu de cette table ronde se trouve ici : Pacte An 3 – Les outils d’épargne salariale-retraite ont-ils vraiment évolué.pdf
3 ans après la loi PACTE, les outils d’épargne salariale et retraite ont évolué
A l’instauration de la loi PACTE, les entreprises, les organisations syndicales et les salariés ont exprimé le besoin d’avoir une vision agrégée et intégrée des nouveaux dispositifs PEE, PERCOL, PERO. Pour répondre à ce besoin, les opérateurs ont développé de nouveaux outils et services digitaux. On peut notamment aborder l’essor des robo-advisors, qui permettent au salarié de bénéficier d’un accompagnement dans leurs décisions d’investissement. Ce développement a, par ailleurs, été accéléré par la crise sanitaire. Dans le même but, certains opérateurs ont également mis en place des formations et des processus d’accompagnement au sujet des nouveaux dispositifs associés à la loi PACTE.
Pour les opérateurs, la loi PACTE a nécessité un rapprochement des pratiques entre les équipes assurantielles, et celles tournées vers l’épargne salariale. En effet, il a fallu notamment harmoniser les vocables parfois différents entre les deux « mondes » : par exemple, en langage assurantiel le terme « Vif » (versement individuel facultatif) était synonyme du versement volontaire en épargne salariale. De plus, le rapprochement entre le monde de l’épargne salariale et celui de l’assurance retraite a poussé les opérateurs à offrir aux salariés une vision globale de l’ensemble de l’épargne accumulée via des agrégateurs. Ces dispositifs sont, par ailleurs, en voie de généralisation.
La loi PACTE a également indéniablement modifié la vision de l’épargnant sur son épargne. En effet, avant 2019, l’épargne salariale et retraite était davantage vue comme une épargne collective et peu patrimoniale. Ce changement de vision est lié à la fiscalité des produits puisque désormais, l’épargnant peut défiscaliser (s’il le souhaite) ses versements volontaires dans le PERCOL et le PERO.
La loi PACTE a élargi le spectre des supports financiers disponibles pour les épargnants. Ainsi, il est désormais possible pour les opérateurs de proposer à leurs entreprises souscriptrices d’un PERO des Fonds Communs de Placement d’Entreprise (FCPE). Ce véhicule offre une structure juridique plus souple, dotée d’une gouvernance paritaire (les Conseils de Surveillance) et une ouverture sur des classes d’actifs non disponibles auprès des autres supports financiers (SICAV et FCP), ce qui permet d’améliorer la diversification de l’épargne et potentiellement la rentabilité de celle-ci. Ces supports financiers sont, par ailleurs, très appréciés des salariés et des organisations syndicales. Par ailleurs, on peut saluer le développement de la gestion ISR ainsi que l’amélioration de sa « transparence » (Labels ISR / Greenfin / CIES, classification SFDR).
Néanmoins, la simplification voulue par la loi PACTE ne semble pas parfaite …
Du point de vue des entreprises, la loi PACTE n’a pas autant simplifié la gestion de l’épargne qu’elles l’auraient souhaité. En effet, celles-ci s’étaient bien familiarisées avec les dispositifs existants (article 83 et PERCO) et ont dû entamer des réflexions sur l’évolution de leurs dispositifs (harmonisation, revisite des gammes de fonds pour les rendre communes à l’épargne salariale et retraite, adaptation de la gestion pilotée …). Ces réflexions ont engendré beaucoup de travaux pour les entreprises pour des économies très faibles (souvent reliées à la légère baisse du Forfait Social (voir notre article sur le sujet : https://www.galea-associes.eu/2022/02/la-multiplicite-des-taux-de-forfait-social/)) et souvent beaucoup d’incompréhension de la part des épargnants, dont la culture financière est généralement trop faible. La complexité du nouveau traitement fiscal et social des PER et de ses différents compartiments n’a pas arrangé les choses ! Pour mettre en place les nouveaux dispositifs, les entreprises ont entamé des négociations avec leurs organisations syndicales et éventuellement lancé des appels d’offres, qui ont pu engendrer des processus parfois lourds mais nécessaires : Choix ou non d’un opérateur unique, révision des gammes de fonds et des gestions pilotées, renforcement des gestions ISR et des gestions « longues » plus diversifiées, révision de la gouvernance…
Quelles nouvelles évolutions pourraient avoir lieu ?
En plus des outils et plateformes existantes, pour la plupart digitaux, un accompagnement humain est souvent nécessaire. En effet, bien que les opérateurs et les entreprises tentent d’accompagner au mieux les salariés en leur donnant accès à des formations et webinaires pour reprendre les bases et expliquer les impacts de la réforme ou en les aidant dans la gestion financière (robo-advisor) ou la fiscalité, ces services sont souvent digitaux et/ou non personnalisés tandis que les salariés ont besoin d’aides personnalisées et humaines. Pour répondre à ce besoin, de nouveaux services proposent des entretiens individuels avec des experts, qui connaissent les dispositifs de l’entreprise, pour répondre aux besoins et questions spécifiques de l’épargnant.
Pour améliorer et simplifier la gestion de l’épargne, un outil unique pourrait être développé. Cet outil unique de gestion inclurait des services pour l’entreprise (gestion administrative à la fois des comptes titres de l’épargne salariale et de la gestion assurantielle, facilitation des transferts entrants et sortants, aide à la décision sur le transfert ou non de l’article 83 vers le PERO ou du PERCO vers le PERCOL). Il comprendrait également des services pour les salariés (possibilité d’effectuer tous ses versements (participation, intéressement, versement volontaire), centralisation de l’épargne, suivi des droits en fonction de l’évolution de carrière) ainsi que des simulateurs pour les orienter dans leurs choix (simulateurs fiscaux et simulateurs de retraite, aide à la détermination du besoin de revenu supplémentaire).
La loi PACTE a prévu cet outil : le PER unique (PERU), qui regroupe le PERCOL et le PERO. Sur la forme, cette solution est la plus simple mais elle est peu utilisée du fait de plusieurs contraintes. Tout d’abord le PERU assurantiel et celui bancaire offrent des options différentes. Par exemple, leur gestion financière diffère puisque seuls les assureurs peuvent proposer un fonds en euros tandis que le secteur bancaire privilégie le monétaire (dont les rendements sont actuellement négatifs). La fiscalité des droits de succession est également différente. La seconde contrainte concerne les tables de mortalité utilisées lors du calcul des rentes au moment de la liquidation. En effet, le PERU est considéré comme un PERCOL, ce qui implique que la table utilisée est une table féminine. Ainsi, pour des cotisations similaires, un homme bénéficiera d’une rente viagère équivalente à celle d’une femme bien que son espérance de vie soit inférieure.
Avec le temps, si ces différences venaient à disparaître par le biais d’une uniformisation des règles fiscales de succession et un ajustement sur l’application des tables de mortalité, le PERU pourrait devenir le produit phare de l’épargne salariale et retraite. Néanmoins, à ce jour, peu d’opérateurs sont en mesure de proposer un PERU pour des raisons opérationnelles.
Trois ans après la promulgation de la loi PACTE, les outils d’épargne salariale et retraite ont évolué, permettant notamment d’harmoniser les pratiques tout en développant l’attractivité de l’épargne salariale et retraite. Néanmoins, tout n’est pas parfait et des améliorations pourraient être réalisées dans le but de simplifier davantage les outils (aussi bien de gestion que les produits en eux-mêmes) et mieux les expliquer.