La loi du 28 février 2022 (dite « loi Lemoine ») « pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur » paru au Journal Officiel du 1er mars dernier prévoit un certain nombre d’évolutions favorables aux emprunteurs.
GALEA vous propose une synthèse des principaux changements et une première réflexion sur le sujet de la sélection médicale.
- Simplification et clarification du processus de résiliation
Le droit à la résiliation à tout moment
Il sera désormais possible pour les emprunteurs de résilier leur contrat d’assurance à tout moment à compter du 1er juin 2022 pour les nouvelles offres de prêt et le 1er septembre 2022 pour les contrats d’assurance emprunteur en cours à cette date. L’attente d’un délai d’un an de souscription comme cela est requis en assurance MRH (Loi Hamon) et en assurance Santé ne sera pas nécessaire.
Cette évolution a des conséquences en termes d’obligations d’information de l’assureur.
Le prêteur devra dorénavant exprimer le coût de l’assurance sur 8 ans, en plus du coût portant sur la durée totale du prêt. Les assureurs devront également informer annuellement et précontractuellement les assurés sur leur droit à résiliation ainsi que le processus à respecter (modalités, délais et informations à transmettre). Ces droits, qui devront figurer dans la notice remise lors de la souscription de l’offre de prêt, renforce la transparence de la relation contractuelle et place l’emprunteur dans une situation de confiance : s’il respecte les modalités de résiliation qui lui sont rappelées par l’assureur, ce dernier ne pourra pas s’y opposer. Les obligations d’information sont également assorties d’une sanction de l’ACPR et/ou d’une amende administrative la DGCCRF (pouvant varier de 3 000€ pour une personne physique à 15 000€ pour une personne morale) en cas de manquement.
Substitution d’assurance et refus du prêteur
Un arsenal de règles incombant au prêteur a été adopté afin de clarifier et fluidifier le processus de résiliation.
Le prêteur pourra toujours refuser la substitution d’assurance, mais sa décision devra être explicite et motivée en comportant l’intégralité des motifs du refus et, le cas échéant, les garanties ou informations manquantes.
Dans le cas où l’assuré décide de changer d’assurance en cours de prêt et d’opter pour la substitution d’assurance, le prêteur, en cas d’acceptation, se devra de modifier à des fins d’adaptation le contrat de crédit dans les 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution, notamment en ce qui concerne le nouveau taux actuariel effectif global (TAEG). Cependant, dans un souci de protection de l’emprunteur, la nouvelle loi a ajouté le mode d’amortissement du prêt parmi la liste des paramètres ne pouvant être modifiés par le prêteur en cas de changement d’assurance emprunteur.
Le manquement à ces obligations d’information est également passible d’une sanction de l’ACPR et d’une amende administrative de la DGCCRF.
- Suppression de la sélection médicale dans certains cas
La suppression partielle du questionnaire médical
Autre nouveauté : à partir du 1er juin 2022, la possibilité pour les assureurs de procéder à une sélection médicale sera atténuée. A compter de cette date, aucune information relative à l’état de santé ni aucun examen médical ne pourront être réclamés par l’assureur pour la souscription d’un contrat dont la part assurée n’excède pas 200 000€ par assuré (sur l’ensemble des contrats de crédits souscrits) et dont le terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur.
Il s’agit là de conditions minimales, étant précisé qu’un décret pourrait contraindre davantage le recours à la sélection médicale en prévoyant des conditions de plafond de quotité assurée et d’âge de l’assuré plus favorables aux emprunteurs.
La révision du droit à l’oubli
Le régime du droit à l’oubli a également été revu. Depuis le 2 mars 2022, les emprunteurs guéris de pathologies cancéreuses ou de l’hépatite C ne devront plus attendre que 5 ans à compter de la fin du protocole thérapeutique – contre 10 ans auparavant – avant d’être autorisés à ne plus communiquer les informations relatives à ces affections passées pour l’accès à une assurance emprunteur. En plus de cet abaissement du délai du « droit à l’oubli », la nouvelle loi prévoit une extension du « droit à l’oubli » à d’autres pathologies qui pourront en bénéficier par la voie de la convention AERAS.
Réflexion autour de la sélection médicale
Le sujet de la sélection médicale est un sujet délicat à appréhender. Si son atténuation constitue sur le principe une avancée pour les emprunteurs, elle peut générer des difficultés en termes de gestion technique pour les assureurs.
Avec la suppression de la sélection médicale sur certains prêts, une dégradation non maîtrisée de la sinistralité est attendue du fait d’une part croissante de profils plus à risques, voire dans certains cas d’emprunteurs déjà malades. Les tarifs pourraient être revus à la hausse ou les marges techniques fortement entamées. Cette augmentation serait le reflet de la crainte des assureurs de ne plus voir apparaître par avance les surrisques dans leurs portefeuilles. Conséquence qui contredirait finalement l’objectif initial de favoriser l’accès au marché de l’assurance emprunteur, et davantage dans un contexte de taux bas.
Les assureurs anticipent également une hausse probable du nombre de sinistres déclarés, ce qui pourra engendrer un surcoût pour des processus de gestion aujourd’hui optimisés. La simplicité et la fluidité du parcours client sont remises en question. Y intégrer la connaissance des capitaux assurés par exemple, tous prêts confondus, est un défi à relever par les assureurs.
Une analyse plus précise conduirait à penser que la sélection médicale est plus déterminante pour la sinistralité des portefeuilles segmentés que celle des portefeuilles mutualisés. Ce serait ainsi les assureurs alternatifs qui pourraient être les plus impactés par ces évolutions et qui seraient les plus enclins à voir leur tarif augmenter dans les prochains mois.
Pour limiter la dégradation de la sinistralité pouvant découler de cette restriction de l’utilisation des outils de sélection médicale, des alternatives peuvent d’ores et déjà être pensées et mises en place, au premier rang desquelles la prévention qui peut être encouragée et qui insisterait les assurés à pratiquer des activités physiques régulières, à manger sainement… Les acteurs ont également déjà planché, avant même la parution de cette nouvelle loi, sur un élargissement de la sélection médicale en ne se basant plus uniquement sur des critères strictement médicaux mais davantage sur des critères sanctionnant le mode de vie des assurés comme cela est déjà le cas avec la prise en compte du statut fumeur / non-fumeur : pratique d’une activité physique régulière, nombre de pas quotidien supérieur à 10 000, voyageur régulier… Cette évolution ne serait cependant pas anodine et pourrait poser de véritables questions d’ordre éthique ou juridique concernant par exemple le respect du principe fondamental du droit à la vie privée.
Par ailleurs, les banques ayant par nature accès aux informations relatives aux habitudes de consommation de leurs clients et pouvant donc avoir accès à des indices quant à leur mode de vie, tout en respectant les réglementations en matière de protection des données, cette asymétrie banque/assureur risquerait une nouvelle fois de créer un clivage entre ces deux acteurs financiers.
Des réflexions plus poussées sur le sujet sont en cours, notamment des chiffrages qui varient beaucoup en fonction des hypothèses et qui peuvent représenter une augmentation importante des tarifs, de plus de 30% dans certains cas, si le marché maintient son mode de fonctionnement actuel. Des ajustements interviendront nécessairement aussi bien au niveau des produits (et notamment au niveau des exclusions, sujet à part entière) que des conditions de commercialisation et de réassurance pour éviter des hausses de tarifs insupportables. Et peut-être aussi sur le niveau des taux sur les prêts, dans une période déjà marquée par un risque inflationniste.
Certains acteurs de la place nuancent cependant l’impact de la suppression du questionnaire médical en précisant que ce dernier a une période de validité limitée dans le temps. Le processus de traitement des dossiers de sinistres comprend déjà une étape de contrôle du dossier médical de l’assuré, qui pourra être renforcée. Ainsi, un sinistre sur un assuré identifié comme souffrant déjà de la pathologie à l’origine du sinistre à la souscription pourra se voir refuser la prestation, du fait de l’absence d’aléa.