Santé/Prévoyance : une année à haut risque pour les assureurs !

La crise sanitaire a, par ses multiple conséquences, déjoué les grilles d’analyse de risques les plus pessimistes des assureurs.

Ces derniers ont montré leur résilience et leur capacité à tenir leur place dans un monde chamboulé.

Les assureurs vont devoir absorber les conséquences de cette crise multiforme dans une année qui sera traversée par des échéances importantes, à commencer bien sûr par la très prochaine élection présidentielle. Le débat sur la Grande Sécu a montré, si besoin en était, la tentation des pouvoirs publics de s’immiscer dans le champ du domaine concurrentiel et contractuel.

L’instauration d’une taxe COVID à la charge des assureurs illustre la propension de l’Etat à aller chercher des financements sans autre justification que celle de renflouer les caisses.

Les risques Santé et Prévoyance, qui éprouvent la rentabilité des assureurs, devront de toute évidence faire l’objet d’un suivi attentif et renforcé.

A contexte exceptionnel, mesures exceptionnelles ! : état des lieux

En prévoyance : l’absentéisme, principale préoccupation des assureurs

Les études sont formelles : la fréquence et la durée moyenne des arrêts sont en hausse ces dernières années.

Pour les assureurs, l’impact est direct : les prestations à régler sont plus volumineuses (plus de dossiers à indemniser et dossiers indemnisés plus longtemps), et les provisions mathématiques coûtent plus cher dans un contexte où la faiblesse des taux techniques n’est pas une parenthèse.

L’absentéisme s’explique en partie par le vieillissement de la population active, et également par une hausse des arrêts de travail pour troubles « psychologiques » en raison de la crise sanitaire.

Cette hausse nécessite un suivi particulier par les assureurs. La DSN est un outil qui doit jouer un rôle central dans ce suivi : elle permet à l’assureur de connaitre bien plus rapidement les arrêts en cours (sans DSN l’arrêt n’est connu qu’au terme de la franchise contractuelle). Au-delà des éléments de benchmark présentés aux entreprises assurées pour leur accompagnement, le principal atout de la DSN est une connaissance plus rapide de la sinistralité. Ainsi, cela implique :

  • Une réduction des provisions pour sinistres inconnus, souvent complexes à calibrer et volatiles,
  • Un pilotage technique et tarifaire réalisable plus en amont, ce qui tend à limiter les pertes techniques.

De plus, le sujet des taux techniques bas continue de peser sur les régimes et les assureurs, même si une remontée des taux semble poindre au cours de ce trimestre.

Enfin, une attention particulière sera à apporter aux conséquences induites par la réglementation nouvelle de résiliation infra-annuelle en prévoyance collective.

En frais de santé : à quoi s’attendre dans les prochains mois ?

En 2021, de nombreux assureurs ont constaté des dérives de prestations par rapport aux années pré-COVID. Force est de constater que ce phénomène est plus ou moins accentué selon les typologies de portefeuilles.

Ces dérives ont deux principales sources, complexes à séparer l’une de l’autre :

  • Un coût lié aux rattrapages d’actes médicaux: ceux non réalisés en 2020, d’une part ; d’autre part, ceux non réalisés ces dernières années pour les assurés avec les moyens financiers les plus faibles et qui ont profité du 100% Santé pour réaliser des soins potentiellement couteux.
  • Un coût lié au 100% Santé, dont les prévisions a priori des assureurs peuvent faire ressortir des écarts significatifs avec les impacts réellement constatés in fine.

D’autres éléments peuvent également expliquer la dérive observée. C’est notamment le cas de la contribution COVID, aide temporaire à leurs clients accordée par les assureurs. Cette dérive peut également être la conséquence des pratiques « inflationnistes » de certains praticiens, point sur lequel les pouvoirs publics souhaitent agir dans les prochains mois.

Aussi, le coût de l’aggravation de pathologies non identifiées/traitées en 2020 sera à suivre avec la plus grande vigilance. Pour cela, les assureurs pourront identifier des grandes tendances sur leurs portefeuilles en menant différentes études mathématiques sur la consommation médicale de leurs assurés.

Enfin, le risque Santé sera au centre de différentes réflexions qui animeront les prochains mois :

  • Quelles suites seront apportées au dossier « Grande Sécu » ?
  • La protection sociale des fonctionnaires.

La couverture des seniors, et le pilotage de leurs régimes, sera également au centre des réflexions. Ces populations font l’objet d’une attention particulière dans les deux projets ci-dessus, et représentent un enjeu commercial grandissant pour les assureurs. En effet, ces régimes génèrent fréquemment des difficultés techniques en termes de maîtrise des risques (portefeuilles parfois peu fournis, et donc plus volatils).

Deux écoles s’opposent, en simplifiant, quant à la sinistralité attendue. Quand certains prédisent un « pic » de consommation en 2021 sous l’effet des rattrapages de soins et donc d’une sinistralité légèrement moindre qu’en 2021, d’autres pensent que 2021 fait ressortir une tendance de fond, prélude aux effets du 100% Santé.

Des premières indications pourraient ressortir des tendances observées dès le 2nd semestre 2022.

Une priorité centrale : la maîtrise des risques

Par maîtrise des risques, il est souvent entendu « contrôle des prestations ». Or, différents autres aspects ne doivent pas être éludés.

D’une part, le volet technique.

En tenant compte des différents enjeux évoqués ci-avant, les assureurs chercheront à connaître au plus vite la pertinence des redressements tarifaires réalisés début 2022.

Au-delà, il conviendra de limiter au maximum les zones de flou dans les processus et outils techniques : revue des outils et bases tarifaires pour éviter les outils « boites noires », maitrise des données en exploitant la DSN (pour la prévoyance) et en initiant des échanges avec les gestionnaires de données.

Le suivi du coût de la portabilité devra être poursuivi, même si à fin 2021 peu de dérapages sont constatés sur la place. On peut trouver ici une illustration du fait que le « quoi qu’il en coûte » a bien protégé les entreprises et que les chiffres du chômage sont en diminution constante depuis plusieurs mois dans un contexte de rebond économique plus vigoureux qu’attendu.

D’autre part, le volet pilotage.

Espérons que les prochaines semaines et mois confirmeront la sortie de la crise sanitaire, au moins dans sa forme aigue.

Ainsi, le moment sera choisi pour auditer les processus internes (processus de souscription, de provisionnement, …) et les politiques de souscription notamment, si ces chantiers n’ont pas d’ores et déjà été engagés.

Aussi, des formations de perfectionnement technique des différentes équipes (équipes techniques, commerciales, voire de pilotage ou d’administrateurs) peuvent être mises en place.

Plus largement, des réflexions gagneront à être poursuivies, sinon initiées, sur le risque à couvrir et à connaître demain : quid des conséquences d’une prochaine réforme des retraites, du monde de l’entreprise qui évolue vers toujours plus de télétravail, des nouvelles évolutions/créations de garanties, du virage pour embrasser pleinement les apports des nouvelles technologies.

De façon générale, l’année 2022 offre aux assureurs une année pleine de risques, mais également d’opportunités. La Santé et la Prévoyance seront probablement au cœur des réflexions publiques, notamment avec la campagne présidentielle, et de nouveaux marchés ne manqueront pas d’émerger avec les réformes de la protection sociale complémentaire pour les fonctionnaires.

Le respect des équilibres techniques sera un enjeu majeur. Pour l’atteindre, les études techniques menées sur les portefeuilles et les remboursements devront être actualisées, perfectionnées et approfondies.

Cette maîtrise des risques passe au travers d’un maitre mot : pilotage.

 Il s’agit pour l’assureur de se mettre en capacité de mener au mieux sa fonction première : accompagner ses assurés.

 

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