Le 21 juillet 2021, la Cour des Comptes a remis à la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale le rapport commandé en décembre 2019 sur les complémentaires santé en France (dispositifs privés et complémentaire santé solidaire).
Après avoir dressé le constat d’un système « très protecteur mais peu efficient », le rapport propose 3 pistes d’amélioration du fonctionnement de la protection sociale complémentaire en santé :
- La mise en place d’un bouclier sanitaire à l’instar de nos voisins européens mais revisité:
La France a fait le choix de limiter au maximum les restes à charge avec des exonérations de frais et une articulation systématique des prises en charge des assurances santé complémentaires avec les régimes de base. Le bouclier sanitaire évoqué consisterait à définir un niveau de reste à charge au-delà duquel l’assurance maladie interviendrait à 100%.
Si le bouclier sanitaire belge fonctionne sur un schéma : 0 prise en charge AMO jusqu’à un certain plafond puis 100% prise en charge AMO, en France l’idée serait de maintenir une intervention systématique de l’AMO et d’apprécier le plafond de reste à charge après intervention de l’AMO.
Ce bouclier s’appliquerait à tous les assurés et se substituerait aux différents dispositifs d’exonération actuels (type ALD), ce changement de paradigme serait ainsi source de simplification. Il constituerait également un « outil de pilotage » simple, la variation du plafond ayant un effet direct sur le niveau des dépenses publiques.
Ce mécanisme pourrait toutefois bouleverser le champ d’intervention des assurances complémentaires dont les prises en charge seraient ainsi plafonnées, sauf pour des dépenses qui seraient exclues du panier de soins couvert par le bouclier. L’optique est ainsi exclue du dispositif dans les 5 pays européens étudiés dans le rapport.
Resterait toutefois à calibrer le montant du plafond. Un niveau variable fonction des ressources des assurés est évoqué… un tel mécanisme rouvrirait l’épineux débat de l’universalité de la protection sociale.
- Désimbriquer les prises en charge AMO/AMC :
Un précédent rapport de la Cour avait évoqué la répartition des champs d’intervention en fonction de leur financement : par exemple l’optique, principalement financée par les organismes complémentaires, leur serait intégralement transférée.
Ce schéma n’est plus envisageable avec les récentes réformes. Le rapport propose ainsi de s’inspirer des dispositions du 100% Santé pour définir le partage des champs d’intervention : le fort besoin médical serait couvert par l’AMO (hospitalisation, paniers sans reste à charge), l’assurance complémentaire se chargerait de la prise en charge des paniers libres, les soins de ville resteraient partagés.
Ce découpage pourrait répondre à une demande historique des organismes complémentaires d’être « maîtres à bord » sur des champs d’intervention où ils sont les principaux contributeurs.
Cependant, ces mesures génèreraient une hausse des dépenses de l’AMO. Pour les financer, le rapport évoque l’idée de la suppression des avantages fiscaux et sociaux des couvertures santé collectives qui ne seraient plus indispensables ! Dans un tel scénario, le surcoût serait donc finalement financé par les entreprises… ou par les assurés qui renonceraient à souscrire une complémentaire et verraient leur reste à charge (en optique mais aussi sur les soins de ville cofinancés) augmenter.
Par ailleurs la soutenabilité financière dans le temps est également interrogée : sans financement partagé assurance maladie / complémentaire, l’assurance maladie ne pourra plus utiliser le levier du désengagement au profit des complémentaires que sur les soins de ville.
- Renforcer la régulation des complémentaires santé :
Alors que les contraintes réglementaires sur les contrats complémentaire santé n’ont cessé d’augmenter depuis plusieurs années (contrat responsable, 100% Santé, obligation d’affichage des frais, lisibilité…), le rapport suggère d’aller encore plus loin avec notamment :
Un renforcement de la transparence : alors que les organismes assureurs se sont engagés à améliorer la lisibilité de leurs contrats et que les premiers bilans montrent que ces engagements ont été tenus, la cour évoque encore une « opacité » des offres dont la comparaison reste difficile pour les assurés. Si ce constat ne peut être remis en cause, il devrait être nuancé, la complexité étant essentiellement liée à l’intervention des organismes assureurs en complément d’un régime de base lui-même extrêmement complexe…
La Cour propose de développer des offres standardisées que tous les assureurs complémentaires devraient obligatoirement proposer. Les garanties seraient fixées et recentrées sur le « besoin médical » mais les prix resteraient libres. Les organismes assureurs resteraient quand même libres de développer d’autres types d’offres.
Un encadrement des coûts : avec ces offres standardisées, la Cour espère pouvoir freiner la hausse des frais de gestion, liés notamment à la publicité et au besoin de se différencier. De même que sur le point précédent, il parait nécessaire d’apporter quelques nuances aux analyses souvent critiques des niveaux de frais de gestion des assureurs, au regard notamment des coûts estimés des frais de gestion des régimes de base : non seulement les volumes de prestations, et leurs modalités de gestion (flux Noémie / gestion « manuelle »), sont sensiblement différents mais les services complémentaires apportés aux assurés sont également incomparables (réseaux de soins, appli, action sociale, etc…).
Le rapport évoque également un encadrement tarifaire (tarif plafond) sur les offres standardisées.
Enfin, une attention particulière est portée aux publics les plus fragiles tout au long de l’analyse menée par la Cour : bénéficiaires de la CSS, revenus faibles, retraités aux coûts de santé élevés ou plus globalement les inactifs pour lesquels l’accès à une couverture complémentaire est plus limité. Les mécanismes de mutualisation actuels mis en avant par le rapport apparaissent défavorables aux inactifs. Les mesures proposées, notamment sur la lisibilité et l’encadrement des coûts, visent également à favoriser l’accès aux soins, par une meilleure prise en charge des dépenses, des personnes ne disposant pas de couverture complémentaire.
Cette publication intervient à l’aune de la présentation du PLFSS pour 2022 programmé pour cet été dans un contexte de crise sanitaire ayant largement impacté le budget de l’assurance maladie 2021.