L’espérance de vie à 60 ans continue de progresser en France ces dernières années. D’après les récentes études de l’INSEE, en vingt ans, l’espérance de vie à 60 ans a progressé de 2,3 ans pour les femmes et 3,2 ans pour les hommes (atteignant respectivement en 2018 27,6 ans et 23,2 ans). C’est dans ce contexte que les assureurs, notamment les organismes de retraite et d’assurance vie ont été amenés à étudier le risque de longévité inhérent à leur portefeuille et à le considérer dans leur cartographie. Ce risque provient de l’incertitude liée à l’allongement de la durée de vie des assurés et les concerne directement. Pour ces assureurs, les hypothèses de mortalité retenues sont structurantes pour l’établissement des tarifs et le calcul des provisions, dans les référentiels social, IFRS 17 et Solvabilité 2. Un assureur détenant principalement des rentes viagères immédiates ou différées verra ses engagements augmenter si la longévité observée est plus forte que celle estimée par les hypothèses.
Cet article propose d’introduire la problématique du risque de longévité et de présenter les diverses solutions existantes pour le gérer.
Comment estime-t-on la mortalité future ?
La plupart des assureurs de rentes viagères estime la mortalité future à l’aide de tables de mortalité règlementaires dont les taux de décès ont été mesurés à partir d’une population de référence. Parfois, ces tables ne reflètent pas exactement la mortalité future d’un portefeuille en particulier. Il devient alors intéressant pour un assureur de construire sa propre table de mortalité, basée sur l’historique de son portefeuille. Elle reflète ainsi l’expérience du portefeuille et la mortalité de ses assurés.
Il existe diverses méthodes et modèles statistiques pour construire de telles tables. Le choix de la méthode de construction est fait selon plusieurs critères : quantité de données, profondeur de l’historique, complexité d’implémentation du modèle etc. Dans le cas de rentes viagères, il s’agit principalement d’estimer d’une part un niveau de mortalité sur l’historique et d’autre part la tendance d’évolution de la mortalité dans le temps. C’est ce deuxième point qui permettra à l’assureur de calibrer la longévité prédite pour les assurés de son portefeuille.
Comment se couvrir contre le risque de longévité ?
Différents moyens sont envisageables :
La réassurance : C’est l’opération de couverture la plus utilisée aujourd’hui, car la plus simple pour l’assureur. Il verse au réassureur une prime, en contrepartie du transfert du risque de longévité. On distingue majoritairement deux types de transactions. Le Buy-out, qui porte sur l’actif et le passif de l’assureur. Le réassureur porte l’entière responsabilité de la gestion des actifs sous-jacents et s’expose au risque de longévité notamment. Le Buy-in correspond à un échange de flux de trésorerie entre les deux parties. L’assureur conserve alors la totalité des engagements. Il paye une prime unique à un réassureur en échange du versement de l’ensemble des montants réels qu’il devra verser aux assurés.
La titrisation : La titrisation est une solution qui permet de transférer le risque de longévité vers les marchés financiers. Le risque est porté (au moins partiellement) par les investisseurs. Ces derniers peuvent, de leur côté, diversifier leurs investissements sur un nouveau marché, qui plus est indépendant de ceux sur lesquels ils agissent en règle générale. Ainsi un assureur peut vendre son portefeuille à un large panel d’investisseurs. Cela permet de transformer un actif non liquide en un titre négociable sur les marchés financiers. Avantage pour les investisseurs : ils peuvent bénéficier de rendements élevés car proportionnels au risque supporté.
Le swap de longévité : Le swap de longévité est un contrat entre deux parties permettant l’échange d’un taux de mortalité fixe contre un taux de mortalité variable. Le principe est le suivant : le swap est créé de manière à être équitable pour les deux parties (« jambe fixe » égale à l’espérance de la « jambe variable »). Cet accord fixe le montant que l’assureur devra payer en échange du paiement des rentes réelles que l’opérateur (réassureur ou banque) versera aux assurés. Dans ce contexte, il est intéressant pour l’assureur de construire sa propre table de mortalité d’expérience car les calculs effectués pour obtenir la jambe fixe à payer au réassureur seront alors plus représentatifs du portefeuille. La valeur du swap évolue ensuite avec le temps en fonction des évènements qui surviennent. Un régime de retraite aura tout intérêt à effectuer une telle opération en prévision d’une éventuelle dérive de la mortalité de son portefeuille.
Conclusion
Il existe ainsi de nombreuses solutions pour se couvrir contre le risque de longévité. Bien que le développement de ces dernières ne soit pas totalement abouti en France (contrairement au Royaume Uni notamment), il ne fait aucun doute que c’est un sujet va prendre de plus en plus d’importance au sein des organismes d’assurance (de retraite principalement) au vu de l’évolution récente de la mortalité. Sans attendre, les organismes d’assurance et les fonds de retraite professionnelle supplémentaire ont tout intérêt à se renseigner sur le coût de ces solutions, dans le cadre de la gestion de leurs risques (cf. notamment les rapports ORSA), d’autant plus que les tables de mortalité réglementaires pourraient évoluer dans les 2 à 3 prochaines années.