Menée par l’INSEE environ tous les 6 ans et représentative de l’ensemble de la population française, l’enquête Patrimoine1 permet d’observer la distribution du patrimoine au sein des ménages ainsi que les taux de détention des différents actifs patrimoniaux. Apportant une information complète sur les facteurs explicatifs de la formation du patrimoine (biographie familiale et professionnelle, héritages et donations, revenus et situation financière, connaissance des mécanismes de constitution et de transmission du patrimoine économique), elle constitue une base de données très intéressante dans le cadre de l’assurance vie et des comportements de rachats des assurés.
Par ailleurs, dans un contexte de taux bas accompagné d’un risque de remontée brutale des taux, situation dans laquelle les rendements offerts par les assureurs vie perdraient en compétitivité, les éléments concernant les assurés et la gestion active de leur patrimoine permet d’éclairer l’assureur dans sa modélisation des rachats conjoncturels.
L’étude réalisée par L. Frey2, sur la base des éléments fournis par l’enquête, permet de questionner la pratique de marché en termes de modélisation des rachats en assurance vie. Distingués par deux phénomènes – structurels et conjoncturels – l’étude confirme l’existence de comportements différenciés en matière de rachats fonction des catégories socio-professionnelles et du patrimoine moyen des assurés.
A la lecture de cette étude nous pouvons retenir que les taux de rachats les plus élevés concernent les assurés possédant les plus gros patrimoines nets et les plus gros contrats (population constituée principalement de chefs d’entreprises, de cadres du secteur privé ou encore des professions libérales3). Il semble que ces assurés gèrent plus activement leur portefeuille dans une logique de rendement.
Les plus faibles taux de rachat sont constatés chez les salariés du secteur public, salariés non cadres du secteur privé4 dont le motif de souscription à un contrat d’assurance le plus fréquemment énoncé est celui de la constitution d’une réserve d’argent.
Notons que la gestion active d’un portefeuille est souvent rapprochée de l’hypothèse du recours à un gestionnaire de patrimoine. L’enquête Patrimoine n’interroge pas les détenteurs d’assurance vie sur leur mode de gestion mais uniquement sur la détention de valeurs mobilières. A l’issue de l’analyse, il apparaît que les assurés gérant personnellement leurs valeurs mobilières rachètent plus souvent leur contrat que la moyenne.
Le mécanisme fiscal de l’assurance vie en France freinant la décision de rachat des assurés, l’ancienneté du contrat, l’âge et la catégorie de contrat pour la partie successorale sont, pour la plupart des assureurs, les principales variables explicatives des comportements de rachat.
Mais dans un contexte de crise, le marché français ayant déjà constaté dans le passé une hausse des rachats dans un environnement de crise de dette 5, le risque de forte augmentation de rachats voire de rachats massifs est majeur pour les assureurs vie.
Comment intégrer un risque systémique au niveau du marché français dans un modèle de rachat propre à l’assureur alors que les études concernant le marché français de l’assurance vie sont très limitées ? Cette enquête Patrimoine, qui sera à l’avenir réalisée tous les 3 ans, permettra peut-être d’envisager de nouvelles modélisations des comportements de rachats pour les assureurs vie.
1) Datant de 2010, elle est constituée d’un panel de 150 005 ménages.
2) Publication ACPR – Analyses et Synthèses : « Eclairages de l’enquête Patrimoine sur les comportements de rachat en assurance–vie », n°59 – Mars 2016, Etude réalisée par L. Frey.
3) Chefs d’entreprise et travailleurs indépendants, cadres du secteur prive en activité, anciens chefs d’entreprise, artisans et commerçants, anciens directeurs généraux, employés, cadres et professions intermédiaires du secteur privé.
4) Salariés du secteur public, salariés du secteur privé en activité (hors cadres), anciens ouvriers et techniciens ou anciens travailleurs indépendants (hors artisans et commerçants mais dont agriculteurs).
5) Entre 2010 et 2011 avec un passage d’un taux moyen annuel de rachat de 4.1 % à 6.1 % (données prudentielles collectées par l’ACPR)