Brève EIOPA – Nouveau stress test climatique sur l’initiative européenne « Fit for 55 »

L’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a publié le 19 novembre un rapport sur un nouveau stress test climatique. Ce rapport, réalisé en collaboration avec d’autres autorités financières européennes, se concentre sur un exercice de résistance climatique du secteur financier de l’UE dans le cadre de l’initiative « Fit for 55 » de la Commission Européenne. Cette dernière vise à stimuler l’investissement et l’innovation dans la transition vers une économie verte et joue un rôle crucial dans l’objectif de l’UE de parvenir à une réduction des émissions de 55 % d’ici 2030 et à la neutralité climatique d’ici 2050.

Ce test vise à évaluer la capacité de résilience des banques, des assurances, des institutions de retraite (IORP) et des fonds d’investissement face aux chocs climatiques potentiels et à soutenir la transition écologique même en période de stress économique.

Contexte et objectifs

Le rapport s’inscrit dans le cadre de la stratégie européenne pour une économie durable, où les États membres se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cette première initiative d’analyse de scénarios climatiques à l’échelle de l’UE explore les risques climatiques sur l’ensemble du système financier, reconnaissant les interconnexions entre différents secteurs et l’économie réelle. Au total, l’exercice évalue l’impact des trois scénarios sur 110 banques, 2 331 assureurs, 629 IRP et environ 59 000 fonds (dont 22 000 dans l’UE).

Elle inclut les effets de contagion et d’amplification entre les différents sous-secteurs financiers.

Comme prévu par la Commission, l’exercice a nécessité une coordination entre toutes les parties concernées, à savoir le Comité européen du risque systémique (CERS), l’Autorité bancaire européenne (EBA), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA), l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et la Banque centrale européenne (BCE). Reconnaissant les différents domaines de compétence, ce cadre a favorisé la collaboration entre les autorités et institutions financières de l’UE, offrant une opportunité concrète d’évaluer le risque climatique dans une perspective commune qui aligne les méthodologies et les outils d’analyse tout en tirant parti de l’expertise sectorielle.

Scénarios d’analyse

Trois scénarios sont élaborés pour représenter des trajectoires économiques possibles :

  1. Scénario de référence : Une transition ordonnée, où le plan « Fit for 55 » est mis en œuvre sans chocs économiques majeurs, avec une croissance cumulative de 11 % du PIB de 2023 à 2030 et des prix de l’énergie relativement stables.
  2. Premier scénario adverse (A1) : Un choc soudain lié aux risques de transition, entraînant une correction des prix des actifs.
  3. Second scénario adverse (A2) : Combine le choc de transition du scénario A1 avec des facteurs de stress macroéconomiques supplémentaires, notamment des risques géopolitiques.

Les scénarios tiennent pour acquis que les objectifs de « Fit for 55 » seront atteints, avec un investissement énergétique uniforme dans toute l’UE pour chaque scénario. Le scénario de référence inclut les coûts initiaux de la transition nécessaires pour éviter des dommages écologiques plus graves à long terme, alors que les scénarios adverses introduisent des chocs de risque de transition plus intenses pouvant affecter négativement le système financier sur la période 2023-2030.

Il faut remarquer que ce stress test est un exercice sur le système financier et que certaines composantes ne sont pas impactées : le revenu des banques, les passifs des assureurs et les passifs des IRP ne sont pas choqués.

Principaux résultats

Les résultats montrent que les pertes directes causées par une réévaluation des risques climatiques sont modérées dans le système financier. Cependant, des dégradations macroéconomiques pourraient perturber la transition et accroître les pertes des institutions financières, réduisant ainsi leur capacité de financement :

  • Secteur bancaire : Le secteur bancaire est résilient face aux chocs climatiques, mais les pertes augmentent dans les scénarios adverses. Sous le scénario A2, les pertes totales atteignent 10,9 % des expositions, indiquant que les banques devront intégrer rapidement les risques climatiques dans leur gestion.
  • Assurances et IORP : Les pertes restent modérées dans le scénario de référence, mais augmentent de manière significative dans les scénarios adverses, particulièrement sous A2, où les valeurs d’investissement des assureurs diminuent de 18,8 % et celles des IORP de 21,5 % en raison d’une hausse des taux de swap et des spreads de crédit.
  • Fonds d’investissement : Les pertes se concentrent surtout sur les actions détenues par les fonds, avec une diminution de 4 % dans le scénario de référence, qui atteint jusqu’à 15,8 % dans le scénario A2.

L’analyse montre que les effets de contagion et d’amplification peuvent générer des pertes supplémentaires, notamment lorsque des conditions de marché défavorables se combinent avec un stress de liquidité. Cependant, le test conclut que ces scénarios ne représentent pas une menace majeure pour la stabilité financière globale grâce à la forte capitalisation et liquidité des grandes institutions financières.

Conclusion

Bien que les pertes potentielles augmentent dans les scénarios adverses, le secteur financier de l’UE semble capable de faire face aux chocs climatiques projetés. Ce stress-test s’inscrit dans la démarche récente menée par les régulateurs européens et français (stress tests climatiques ACRP, stress test IORP) qui consiste à effectuer des analyses sur la résilience du marché face au risque climatique.

L’exercice reste tout de même perfectible : des déviations de sinistralité chez les assureurs permettraient d’avoir une idée plus précise sur les pertes combinées. L’hypothèse principale de cet exercice est le respect par les états membres de l’UE de la stratégie « Fit for 55 », il pourrait être intéressant de compléter ce stress test avec des scénarios de non-respect des engagements, ou bien, de retard dans le respect de ces engagements.

En plus de l’approche par scénarios futurs, l’EIOPA a récemment proposé d’intégrer des chocs liés à la transition de l’économie dans certains modules de capital réglementaire (SCR) de la Formule Standard du référentiel Solvabilité 2 (cf. notre brève du 15 novembre https://www.galea-associes.eu/2024/11/breve-eiopa-integration-du-risque-de-durabilite-sous-solvabilite-2/ ).

Ces exercices de stress-tests doivent être complétés par la stratégie RSE de l’entreprise, traduite dans le reporting CSRD et d’autres rapports extra-financiers. La gestion du dérèglement climatique doit se faire à travers une vision d’anticipation des impacts économiques globaux de la transition et d’une gestion complète des risques de durabilité, incluant des stress tests et des processus de gouvernance adaptés.

Pour suivre au mieux le risque, piloter son activité, et atteindre ses objectifs stratégiques, il est nécessaire de mettre en place un véritable processus de gestion des risques autour des risques physiques et de transitions liés à la crise environnementale : adapter la gouvernance, évaluer les matérialités, analyser le risque avec des données externes, mesurer les impacts avec des stress tests, prendre les mesures adéquates d’atténuation et d’adaptation. Pour toutes ces étapes, les consultantes et consultants de Galea sont prêts à répondre à vos questions, à vous proposer des formations dédiées ainsi qu’à vous accompagner. 

Le rapport de l’EIOPA est consultable en ligne : https://www.eiopa.europa.eu/transition-risk-losses-alone-unlikely-threaten-eu-financial-stability-fit-55-climate-stress-test-2024-11-19_en

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