La révision de la directive Solvabilité 2, des réflexions lancées en 2022
L’EIOPA a été mandatée par la Commission Européenne pour évaluer le potentiel d’un traitement prudentiel dédié aux actifs ou aux activités associées de manière substantielle à des objectifs environnementaux ou sociaux, ou à un préjudice porté à ces objectifs, et d’évaluer l’impact des modifications proposées sur les entreprises d’assurance et de réassurance dans l’Union Européenne. A ce titre, elle vient de publier son rapport final de recommandations. Après un premier document de discussion et une deuxième phase de consultation publique, le rapport présente les recommandations de l’EIOPA en termes d’intégration du risque de durabilité chez les organismes assureurs.
Ce rapport s’inscrit dans la démarche menée depuis 2022 sur la revue de Solvabilité 2 et, en tant que nouvelle norme technique d’exécution, devra être validé par la Commission et Parlement Européen pour entrer en application.
Les recommandations dans la Formule Standard
L’EIOPA propose un surcoût de capital requis pour les actifs « fossiles » détenus par les assureurs. Les actions et les obligations du secteur sont jugées plus impactées par le risque de transition. Ce surplus de risque justifie aux yeux de l’EIOPA la mobilisation d’un capital réglementaire supplémentaire.
L’EIOPA recommande ainsi de revoir les chocs de la Formule Standard suivants :
- Risque actions : introduction d’un choc supplémentaire jusqu’à 17 % des chocs actuels (+39%) pour les entreprises concernées sur la base des codes NACE.
- Risque de spread : application d’un facteur multiplicatif pour chaque catégorie de risque (duration et notation), dans la limite d’une hausse de 40% pour les émetteurs concernés sur la base des codes NACE.
A l’heure actuelle, l’EIOPA recommande, d’après les études menées, de maintenir le statu quo pour les risques suivants :
- Risque immobilier.
- Risques de souscriptions en non-vie.
- Risques sociaux : L’EIOPA ne recommande pas de changements liés à un traitement dédié des objectifs et des risques sociaux dans le pilier I de Solvabilité 2.
Les limites identifiées
L’EIOPA identifie, entre autres, les limites suivantes dans sa méthodologie :
- La calibration des chocs du risque de transition est basée sur des données historiques et des données prospectives : d’un côté, l’utilisation unique de données historiques ne permet pas de capter la dynamique des risques financiers liés au dérèglement climatique, d’un autre côté, l’utilisation unique de données prospectives entraîne des biais liés aux hypothèses sur le futur.
- Surcharger le capital pour le risque de spread pourrait être doublement pénalisant : en effet, les notes de crédit peuvent déjà prendre en compte une certaine vulnérabilité face à un risque de transition.
- L’étude devra être refaite lorsqu’il y aura plus de données disponibles, notamment pour le risque immobilier et l’efficacité énergétique.
Les consultants de Galea identifient les points suivants :
- L’EIOPA a choisi de ne retenir qu’une liste réduite de codes NACE directement liés aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz), représentant environ 2% de l’actif des assureurs d’après le rapport de suivi des engagements climatiques de l’AMF et de l’ACPR dans sa version de juin 2024.
- Les portefeuilles d’actifs des assureurs, s’inscrivant déjà dans une trajectoire de décarbonisation sectorielle entamée ces dernières années, ne possèdent presque plus d’actifs liés aux secteurs fossiles : les ratios de couverture ne seront pas sensiblement modifiés.
- L’énergie primaire mondiale repose encore en 2023 à plus de trois quarts sur les énergies fossiles et la totalité des secteurs en sont dépendants. Prévoir des chocs sur les codes NACE directement concernés par les énergies fossiles sans anticiper les répercussions sur l’ensemble de l’économie semble trop conservateur et ne permet pas d’appréhender le risque que représente la nécessaire sortie des énergies fossiles.
- Même si les grandeurs de chocs ne reflètent pas entièrement l’ampleur du risque, les avis de l’EIOPA matérialisent tout de même la volonté d’intégrer des risques liés au dérèglement climatique dans la gestion des risques des organismes assureurs. Après les recommandations récentes portées sur le pilier II – process ORSA, le pilier I est modifié.
- La modification du pilier I doit être complétée par la stratégie RSE de l’entreprise, traduite dans le reporting CSRD et d’autres rapports extra-financiers. La gestion du dérèglement climatique doit se faire à travers une vision d’anticipation des impacts économiques globaux de la transition et d’une gestion complète des risques de durabilité, incluant des stress tests et des processus de gouvernance.
- En plus des risques liés au dérèglement climatique, les risques liés à l’effondrement de la biodiversité, ainsi que les autres risques environnementaux, doivent être pris en considération au niveau Européen.
Conclusion
Les modifications proposées par l’EIOPA ne sont pas structurelles : à part des lignes d’actifs facilement identifiables, l’intégration du risque de durabilité, notamment d’un risque de transition, ne se traduit pas par une refonte généralisée.
Il est difficile de concevoir que dans une transition désordonnée, des lignes d’actifs, autres que celles du secteur fossile, soient épargnées par une dévaluation quelconque.
Les acteurs du secteur assurantiel doivent tout de même se préparer à l’implémentation opérationnelle de la revue proposée : des études d’impacts devront être menées en amont, ainsi qu’une vérification de la mise en conformité avec la revue de la Formule Standard.
Pour suivre au mieux le risque, piloter son activité, et atteindre ses objectifs stratégiques, il est nécessaire de mettre en place un véritable processus de gestion des risques autour des risques physiques et de transitions liés à la crise environnementale : adapter la gouvernance, évaluer les matérialités, analyser le risque avec des données externes, mesurer les impacts avec des stress tests, prendre les mesures adéquates d’atténuation et d’adaptation. Pour toutes ces étapes, les consultantes et consultants de Galea sont prêts à répondre à vos questions, vous proposer des formations dédiées ainsi qu’à vous accompagner.
Le rapport de l’EIOPA est consultable en ligne :