La période estivale a conduit les uns et les autres à s’éloigner du dossier retraite et de ses évolutions.
Or il faut bien le constater : la retraite ne prend pas de vacances !
En effet, les tout dernières semaines et mois ont été propices à des développements (divers rapports, missions, négociation paritaire…) de nature à nourrir la réflexion.
Ce sont autant d’éléments à verser au débat au moment où l’hypothèse d’une réforme des retraites est à nouveau évoquée. S’il n’est aujourd’hui pas possible de savoir si une telle hypothèse sera conduite à prospérer dans les mois qui précèdent la fin de l’actuel quinquennat, on peut sans risquer de se tromper prédire que le thème de la retraite sera un incontournable de la campagne présidentielle.
Brève présentation donc de ces éléments que nous avons lus pour vous.
8ème rapport annuel du COR
https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-07/Rapport_complet_29_07.pdf
Ce rapport annuel intervient dans le contexte sanitaire et économique que l’on sait. Il vient à ce titre compléter le rapport exceptionnel remis en novembre 2020.
Les résultats de court terme sont plutôt meilleurs que prévu et ne s’avèrent sur le long terme pas de nature à remettre en cause la trajectoire financière du système de retraite dans le cadre d’un exercice de projection allant jusque 2070.
Il reste que le système n’a guère de perspectives d’équilibre sur l’horizon de projection.
La part du système de retraite en points de PIB -aujourd’hui de 13,7%- serait amenée à décroitre significativement à compter de 2030 pour s’approcher dans certains scénarii des 11%.
La trajectoire du régime de retraite serait, selon l’analyse du COR respectée mais il ne cache pas que ce serait au prix d’un décrochage de la situation des retraités par rapport à celle des actifs, inversant la tendance à l’œuvre d’amélioration des droits des retraités depuis une vingtaine d’années.
Pour contrecarrer cette évolution, le report de l’âge de la retraite en droit ou en fait (les personnes devant poursuivre leur activité pour compenser une moindre « générosité » du système) pourrait être de mise. Le rapport note en outre que cette situation pourrait conduire à un accroissement du recours à des dispositifs d’épargne.
On trouvera la synthèse complète de ce rapport établie par le cabinet dans le document suivant :
8ème avis du Comité de Suivi des Retraites
http://www.csr-retraites.fr/textes/8e_avis_du_comite_de_suivi_des_retraites_15072020.pdf
On sait que le Comité a pour responsabilité d’émettre des recommandations à l’attention de l’exécutif sur les mesures de nature à contribuer à l’équilibre du système de retraite. Il surveille également les grandes fonctions du régime de retraite national au travers d’un certain nombre d’indicateurs : comparaison de la situation actifs / retraités, égalité hommes / femmes, taux de remplacement…).
Le Comité de suivi des retraites n’a pas estimé possible d’émettre un avis, dans le contexte d’incertitude actuel (sortie de crise sanitaire, reprise économique…).
Le Comité s’appuie sur les constats et travaux du COR mais il n’en fait pas moins entendre une petite musique qui mérite d’être entendue :
- Sans attendre les travaux du COR sur le sujet, le Comité écarte l’hypothèse de croissance la plus optimiste pour se concentrer, dans une approche prudentielle, sur des scénarios correspondant davantage à l’observé des dernières années.
- Il appelle l’attention sur le fait que le système doit être équilibré sur un horizon pluri-annuel. Il regrette les incertitudes sur l’ampleur des ajustements à effectuer résultant des difficultés à prévoir la participation de l’Etat au financement des régimes publics (les fameuses conventions comptables).
- Il rappelle que la question des retraites ne se pose pas en vase clos. La fixation de la part de PIB consacrée aux retraites doit en effet s’inscrire dans un choix politique qui suppose de réfléchir aux autres besoins nationaux (dépenses de formation, emploi, famille…).
- Les ajustements à effectuer pour retrouver une trajectoire d’équilibre tendanciel peuvent notamment supposer de mobiliser des leviers tels que le relèvement de l’âge de la retraite directement ou indirectement (mesures de durcissement des règles induisant de fait un recul de la date de prise de retraite).
- Ces enjeux seraient au centre d’une relance d’une réforme des retraites. Les modalités de cette réforme devraient être enrichies des écueils de la réforme antérieure au travers une meilleure concertation, des expertises techniques approfondies. Il estime que la réforme pourrait être plus progressives et ne s’appuyer sur l’unité de compte « point de retraite » qu’une fois celle-ci mieux comprise dans l’opinion publique.
Rapport du Sénat : réserves des régimes de retraite- quelles perspectives ? (Rapport d’information de la Commission des Affaires Sociales).
https://www.senat.fr/rap/r20-747/r20-7471.pdf
La contribution du Sénat s’attache à la question des réserves constituées dans les régimes de retraite par répartition. Ces réserves pour le long terme ont été mobilisées pour garantir la continuité du paiement des pensions dans le contexte de crise sanitaire. Le rapport fait le constat que la situation patrimoniale du système de retraite national s’est dégradée de 17,8 Mds, soit une baisse conséquente de 10%.
Le rapport invite les régimes dotés de réserve à s’efforcer de les reconstituer après la crise sanitaire pour couvrir leurs engagements futurs et absorber les chocs (évolutions démographiques, crises économiques).
Il appelle l’attention des régimes sur le fait que les réserves ne sauraient être utilisées pour la couverture de besoins autres que ceux directement afférents à leur équilibre.
Soucieux de la performance du placement des réserves le rapport estime que, selon les horizons d’équilibre de chacun des régimes, une réflexion doit être menée quant à un recours plus important à des actifs dynamiques (actions).
Fondé sur une approche de responsabilité des différents régimes, le rapport prend très explicitement ses distances avec une dépossession des réserves telle qu’imaginée, dans un premier temps, lors de la réforme sur le régime universel.
On sait à quel point cette question de la propriété des réserves a été au cœur des tensions intervenues lors de la réforme interrompue.
Outre cette position, le rapport fourmille d’éléments précieux à prendre en compte : analyses, chiffres clefs etc…
La question des réserves constituée par les régimes a mobilisé également la Cour des comptes. Les hauts Magistrats ont mené une enquête auprès des différents régimes sur cette question. L’instruction de cette enquête est encore en cours.
S’agissant des travaux diligentés par la Cour, on notera qu’une enquête sur les droits familiaux vient tout juste d’être initiée.
Le rapport Tirole / Blanchard : « les grands défis économiques »
S’appuyant sur un collectif d’économistes français et internationaux, le rapport estime indispensable de remettre rapidement sur le métier une réforme des retraites. Estimant que les taux de cotisation sont déjà « très élevés », les rapporteurs estiment que le levier « ressources » ne peut plus être actionné. Dès lors, les ajustements devraient se faire par le niveau des prestations ou par des mesures d’âge.
En revanche, les auteurs du rapport estiment indispensable de revenir à une indexation des retraites (droits en cours de service mais aussi droits inscrits au compte de l’assuré) sur les salaires (avec application d’un correctif d’équilibre, si nécessaire) et non plus sur les prix.
Dans ce contexte, le système par points caractérisé par sa simplicité et sa transparence devrait être privilégié.
Négociation Agirc-Arrco sur l’évolution de la valeur de service du point
La négociation sur ce sujet était particulièrement attendue dans un contexte économique imprévisible qui rebat les cartes des comptes et les prévisions du régime.
On se souvient que les accords portant création du « nouveau » régime avaient prévu un mécanisme de revalorisation sophistiqué et novateur s’attachant à une référence salaire (corrigé d’un coefficient de soutenabilité) et à une contrainte d’équilibre du régime sur moyen / long terme : exigence de détention d’au moins 6 mois d’une année de prestations sur un horizon de projection de 15 ans.
Conformément à ces principes, les Partenaires sociaux ont conclu un ANI le 10 mai 2019 pour fixer les orientations stratégiques pour la période 2019-2022.
Conséquence de la crise sanitaire, le Conseil d’administration de la Fédération n’a pu que constater que le ratio de détention des réserves n’était plus respecté dans la décennie et a, conformément aux textes en vigueur, saisi les Partenaires sociaux pour actualiser les modalités de fixation des paramètres de l’exercice en cours, mais aussi ceux des années à venir.
Il ressort de la conclusion de la négociation intervenue sur la période juin/juillet que la valeur de service du point qui sera fixée par le Conseil d’administration en 2021 et 2022 devra s’établir sur :
- L’indice des prix à la consommation hors tabac.
- Corrigé d’une marge de +/-0,5 point (au-dessus ou en dessous de d’inflation).[1]
Cette latitude, à la main du Conseil d’administration, a pour objet d’adapter la décision pour chacune de ces 2 années au plus près d’un contexte économique particulièrement incertain (crise, ampleur du rebond…).
La décision est contrainte par l’exigence de détention par le régime d’un niveau de réserves techniques au moins égal à 6 mois de prestations sur toute la période allant jusqu’à fin 2033.
Il faudra bien entendu attendre la tenue du Conseil d’administration de la Fédération courant octobre pour connaitre la valeur nominale de la valeur du point. On peut néanmoins, à titre illustratif, indiquer que si la prévision d’inflation à 1,4% se confirme, les pensions pourraient augmenter de 0,9% au 1er novembre prochain, dans l’hypothèse où le Conseil d’administration utiliserait la marge à la baisse de 0,5 point.
Pour ce qui est de la valeur d’achat du point (en principe indexée par référence à l’évolution des salaires), un dispositif spécifique et temporaire a été prévu pour faire face à l’évolution erratique de la masse salariale : pour 2021, maintien de la valeur 2020 et pour 2022, lissage des évolutions constatées du salaire moyen par tête en 2020 et 2021.
Ces mesures nouvelles ont vocation à prendre place dans un Avenant à l’ANI de 2019. Ce texte ouvert à la signature jusqu’au 15 septembre devrait être signé par la CFDT et la CFTC. Les autres syndicats ont, à des degrés divers, fait état de leur désaccord sur ce texte.
[1] Pour mémoire, cette marge était de 0,2 point dans l’ANI du 10 mai 2019