1. Contexte et objectifs
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 a été publié le 9 octobre dernier. Les mesures qu’il contient prennent en compte le contexte social actuel en tentant de répondre aux attentes des français : un système social plus juste, l’augmentation du pouvoir d’achat et la protection des populations les plus vulnérables. Mais ces mesures s’inscrivent également dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques initié par le Gouvernement au cours de ces deux dernières années. Contrairement à la prévision de la dernière LFSS[1] concernant un probable retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale en 2019, le déficit du régime général avoisine aujourd’hui les 5,1 Mds d’euros (contre un peu plus d’1 Md en 2018). Ainsi, le retour à l’équilibre est désormais attendu pour 2023 et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été abaissé pour 2020 et revient au taux de 2,3% (- 0,2 points par rapport à 2019). Voici une présentation de ses principales mesures en matière de santé, de prévoyance, de retraite et d’épargne salariale.
2. Les principales mesures en matière de protection sociale complémentaire
2.1 Les mesures en matière de santé
- La mise en place de contrats de sortie des dispositifs de la CMU-C et de l’ACS (article 32) : pour rappel, la « complémentaire santé solidaire » (CSS), nouveau dispositif issu de la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) initiée par la LFSS pour 2019[2], entrera en vigueur au 1er novembre 2019. Le PLFSS 2020 poursuit cette réforme en permettant aux personnes ne pouvant plus bénéficier de ces dispositifs de maintenir une couverture frais de santé responsable adaptée à leurs besoins pendant 1 an et à un tarif encadré réglementairement en fonction de leur âge. Cette mesure concernera les contrats de sortie souscrits à partir du 1er janvier 2020.
- Une régulation accrue des prix de certains dispositifs médicaux à forts restes à charge (article 28): pour réduire les restes à charge sur ces postes de dépense (fauteuils roulants notamment) ainsi que leur impact environnemental, le PLFSS 2020 prévoit deux mécanismes: un mécanisme de référencement dit « sélectif » qui constituera une mise en concurrence nationale des produits médicaux remboursables et comparables, et le remboursement de dispositifs médicaux de « seconde main » après « remise en bon état ». Ce dernier mécanisme ne concernera que les matériels réutilisables « dans le respect des critères de qualité et de sécurité » et seront précisés par arrêté ministériel.
- Le TROD réalisé en pharmacie sera pris en charge par l’Assurance maladie afin de lutter contre la sur prescription d’antibiotiques (article 43) : Le Test Rapide d’Orientation Diagnostique (TROD) est un examen permettant de déterminer facilement l’origine -virale ou bactérienne- des affections telles que l’angine et ainsi éviter la prescription « inutile » d’antibiotiques. Actuellement, cet acte est très peu utilisé et n’est réalisable que par les médecins. Désormais il pourra être réalisé en pharmacie d’officine et pris en charge par l’Assurance maladie à condition que le prescripteur établisse une ordonnance de dispensation conditionnelle. C’est-à-dire qu’il pourra subordonner la dispensation d’un médicament au résultat du TROD réalisé en officine. Cette mesure permettra de favoriser la pertinence des prescriptions médicales et les médicaments concernés seront précisés par décret.
- Extension de la franchise médicale aux actes réalisés par les pharmaciens (article 28) : en plus des transports, des actes paramédicaux et des dispositifs médicaux, certaines prestations réalisées par des pharmaciens et définies par arrêté ministériel feront l’objet d’une franchise médicale due par les assurés sociaux. Cette franchise ne devra pas être pris en charge par les contrats d’assurance pour bénéficier du régime social et fiscal de faveur attaché aux contrats dits « responsables »[3].
- Révision de la nomenclature des actes médicaux (article 27) : dans le cadre du projet gouvernemental « Ma santé 2022 », et afin de représenter au mieux l’état de « l’art médical », la nomenclature des actes médicaux va faire l’objet d’une révision dans un délai de cinq ans. Mise en place d’un Bulletin Officiel des Produits de Santé (article 29) : cette base de données recensera la prise en charge de l’Assurance maladie pour chaque produit de santé.
Les principales orientations du PLFSS 2020 en matière de santé ne sont pas, à première vue, de nature à entraîner une hausse mécanique significative des coûts pour les complémentaires santé. Le chantier principal pour 2020, tant en gestion qu’au niveau de la révision des garanties, demeure l’intégration de la réforme « 100% Santé » qui entrera dans sa seconde phase, marquée d’une part par une prise en charge intégrale en optique et sur une partie du dentaire dans le panier « 100% Santé » et d’autre part par une revalorisation des soins et le plafonnement des prix en audioprothèses. A noter que la révision prévue des nomenclatures nécessitera une adaptation des systèmes de gestion et génèrera de nouvelles charges pour les organismes assureurs, alors que l’obligation d’affichage des taux de redistribution entrera en vigueur prochainement. La Mutualité Française évoque par ailleurs, dans le cadre de son avis défavorable sur le PLFSS2020, que le gouvernement envisagerait d’augmenter le ticket modérateur sur les soins externes (actes et consultations) réalisés à l’hôpital liés à une hospitalisation. L’impact d’une telle mesure génèrerait automatiquement un transfert de charges vers les complémentaires.
2.2 Les mesures en matière de retraite
- La revalorisation des pensions de retraites de base et d’invalidité (article 52) : promise par le Président de la République dans le cadre du Grand débat national, une revalorisation des pensions de retraites de base de droit direct et dérivé sera appliquée dès 2020 aux bénéficiaires d’une retraite inférieure à 2000€ brut par mois. Cette revalorisation à hauteur de l’inflation (1,1% en juillet 2019) concernera également les « petites pensions d’invalidité ». Les retraites de base des bénéficiaires d’une retraite supérieure au seuil précité et les autres prestations sociales seront quant à elle revalorisées à hauteur de 0,3%. Cette dernière mesure, applicable au 1er janvier 2020, avait initialement été prévue dès la LFSS 2019 (en même temps que la revalorisation au 1er janvier 2019), mais le Conseil Constitutionnel l’avait rejetée à la fin de l’année 2019.
- Mise en place d’une mesure favorisant la transition entre le bénéfice de minima sociaux et de la pension de retraite (article 53) : afin d’éviter la rupture des droits, la liquidation de la retraite de base à taux plein sera automatisée pour les bénéficiaires de l’allocation pour adultes handicapés (AAH) âgés de 62 ans et les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) devront demander l’ouverture de leurs droits à la retraite à l’âge du taux plein (soit 67 ans).
2.3 La mesure favorisant l’épargne salariale
- La reconduction de la prime exceptionnelle (article 7) : Pour rappel, la Loi portant mesures d’urgence économique et sociale[4] en réponse aux revendications des « Gilets jaunes », a mis en place une prime exonérée de charges sociales (patronales et salariales) et d’impôt sur le revenu pour les plus faibles salaires. Fort de son succès (5 millions de salariés de bénéficiaires en 2020), ce dispositif est reconduit en 2020 avec une condition supplémentaire au bénéfice de son régime social de faveur : un accord d’intéressement devra être mis en place. Cette mesure combine 3 objectifs : amélioration du pouvoir d’achat, valorisation du travail et incitation à l’épargne salariale.
2.4 Les mesures concernant certaines catégories de la population
- Le bénéfice du dispositif de « travail léger » facilité en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (AT/MP) (article 56) : la conditiond’avoir préalablement fait l’objet d’un arrêt de travail à temps complet pour pouvoir bénéficier du dispositif de « travail léger » sera supprimée[5].
- L’indemnisation du congé de proche aidant (article 45) : prévue dans la proposition de loi favorisant la reconnaissance des proches aidants mais finalement non retenue[6], cette mesure vise à indemniser le congé de proche aidant au plus tard dès octobre 2020 pendant une durée maximale de 3 mois sur toute la carrière. Cette indemnisation, qui avoisinerait le montant de l’allocation journalière de présence parentale (43 à 52 euros) sera précisée par décret et pourrait concerner jusqu’à 11 millions de personnes.
- Certaines dispositions du code de la sécurité sociale seront modifiées afin de développer le recours au cumul emploi/invalidité. Il est donc probable que les modalités d’indemnisation des invalides par le régime de base soient modifiées et que les contrats de prévoyance complémentaires soient impactés, a priori positivement.
Finalement, après la LFSS 2019 qui a été très impactante pour les contrats frais de santé (100% Santé, fusion CMU-C/ACS), il semble que ce soit le tour des couvertures prévoyance à l’heure où les problématiques d’absentéisme sont l’objet d’une attention spécifique des entreprises et des assureurs.
[1] Loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 – JO 23.12.2018.
[2] Article 52 de la Loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 – JO 23.12.2018.
[3] Article L. 871-1 du Code de la sécurité sociale.
[4] Article 1 de la Loi n°2018-1213 du 24 décembre 2018 – JO 26.12.2018.
[5] La LFSS pour 2019 avait déjà prévu cette mesure pour les accidents et maladies d’origine non professionnelle – article 50 de la Loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 – JO 23.12.2018.
[6] Loi n°2019-485 du 22 mai 2019 – JO 23.05.2019.