Portabilité des 39 : les points de vigilance suite à la publication du projet d’ordonnance

Un nouveau projet de texte de transposition de la directive 2014/50/UE a été mis en circulation le 29 mars 2019. Rappelons que cette directive vise à rendre portables les droits à pension des travailleurs au sein de l’UE, ce qui, dans le contexte français, n’est pas compatible avec les régimes à prestations définies de type Article 39 dits « à droits aléatoires », c’est-à dire ceux relevant de l’article L 137-11 du code de la sécurité sociale (CSS) et dont les droits étaient soumis jusqu’à présent à la condition d’achèvement de la carrière dans l’entreprise.

La loi PACTE (article 65) qui devrait être adoptée dans sa version définitive le 11 avril, habilite le gouvernement à transposer par voie d’ordonnance cette directive.

Retraite à prestations définies : quel devenir pour les droits aléatoires ?

Concernant l’aménagement des régimes existants, le dernier projet d’ordonnance confirme qu’il ne sera plus possible à compter de l’entrée en vigueur du texte de transposition :

  • De mettre en place de nouveaux régimes à droits aléatoires ;
  • D’affilier de nouveaux bénéficiaires sur les régimes à droits aléatoires existants ;
  • D’attribuer de nouveaux droits au titre des périodes travaillées futures au bénéfice des affiliés actuels des régimes existants. Il est possible de maintenir le caractère aléatoire des droits relatifs aux services rendus par le passé.

Exception faite des régimes existants avant l’ordonnance et fermés à de nouvelles affiliations avant le 20 mai 2014, date d’entrée en vigueur de le directive européenne. Ces anciens régimes fermés sont exclus du champ d’application de la directive et devraient en conséquence constituer le seul cas permettant l’attribution de droits aléatoires supplémentaires après l’entrée en vigueur de la transposition française. Cette possibilité permettrait aux entreprises concernées de préserver les anciens régimes 39 pour les bénéficiaires encore en activité sans obligation de les aménager en régimes à droits certains.

Hormis ce cas d’exception, les droits attribués après l’entrée en vigueur de l’ordonnance seront donc des droits certains devant respecter les contraintes d’ancienneté et de plafonnement posés par ordonnance (cf. ajout d’un article L137-11-2 encadrant les nouveaux régimes) :

  • Acquisition des droits à prestations définies selon une ancienneté maximale de 3 ans ;
  • Plafonnement des droits exprimés en % de la rémunération de référence à 3% annuel et 30% au cumulé (l’ancien plafond envisagé de 8 PASS a été retiré, rendant les niveaux de droits acquis attractifs pour les hauts profils de cadres dirigeants percevant plus de 320K€ de rémunération annuelle).

Les droits octroyés par ce nouveau régime ne pourront couvrir que des droits futurs, au rythme maximum de 3% de taux de remplacement par an. Le nouveau plafond de 30% de la rémunération semble s’appliquer aux droits acquis au titre des années postérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Certains régimes dont les droits sont exprimés en fonction de l’ancienneté après une franchise mériteront d’être reformulés.

Les nouveaux dispositifs de retraite à prestations définies à droits acquis entreraient dans le périmètre couvert par les organismes dédiés à la retraite professionnelle supplémentaire (FRPS, MURPS et IRPS).

Les points de vigilance du dernier projet d’ordonnance [précisions futures dans les textes de décrets et arrêtés à venir] :

  • Le projet de texte fait naître de nouvelles obligations d’information à la charge des entreprises 
    • Information à réaliser directement auprès des bénéficiaires (ou de leurs ayants-droit) sur les droits acquis chaque année (et information sur demande du bénéficiaire) ;
    • Information auprès d’un organisme public par le biais de la DSN (déclaration sociale nominative) de l’identité des bénéficiaires (salariés et mandataires sociaux) et des droits supplémentaires acquis individuellement dans l’année.

Ces obligations de communication viennent alourdir la gestion des régimes de retraite supplémentaire pour les entreprises, voire leur coût et leur provisionnement IAS19 en fonction des engagements pris.

  • Les droits supplémentaires seront attribués au regard de conditions de performance du bénéficiaire.

Selon le nombre des bénéficiaires, cette nouvelle obligation jusqu’alors réservée aux mandataires sociaux parait difficilement applicable à tous, à moins de viser des critères de performance collectifs, atteignables par tous ou par aucun.

  • La revalorisation des droits acquis par les bénéficiaires ayant quitté l’entreprise avant la retraite devra suivre celle des droits acquis par les bénéficiaires encore présents aux effectifs de l’entreprise.

Des règles spécifiques pour les droits des populations de « différés » devront être établies.

  • Les sommes consacrées au financement des régimes de retraite à prestations définies devraient être soumises à une contribution employeur à un taux de 29,7% (contre 24% sur les primes versées à un organisme assureur actuellement).
  • Des dispositions spécifiques seraient prévues au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, notamment au travers de la réouverture de l’option des cotisations au titre de l’article L137-11 du code de la Sécurité Sociale et de la possibilité de transfert des contrats à droits aléatoire en droits certains.

En synthèse, le projet d’ordonnance sur la « portabilité des 39 » laisse la possibilité de maintenir des droits aléatoires au titre des droits passés pour l’ensemble des dispositifs existants, et au titre des droits futurs attribués aux bénéficiaires de dispositifs fermés avant le 20 mai 2014 (seule exception). Au-delà, les réflexions des entreprises envisageant la mise en place d’un nouveau dispositif de retraite supplémentaire à prestations définies, devront mettre en balance le coût de provisionnement des droits acquis des nouveaux régimes, le régime social et les nouvelles obligations de communication attachées avec le pouvoir d’attractivité de ces dispositifs dans un cadre ne permettant plus une reprise d’ancienneté et plafonnant les droits attribués (en particulier pour les profils dirigeants). Une comparaison avec les futurs Plan d’épargne retraite de la Loi Pacte méritera également d’être réalisée.

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