Première révision de Solvabilité 2 !

Tout juste entré dans la première année d’application effective du régime prudentiel Solvabilité 2, l’EIOPA inaugure un premier chantier de révision.

Cette première clause de revoyure avait été entérinée dès 2014 dans le calendrier de l’amendement de la directive Omnibus 2. Elle concerne plus particulièrement le pilier 1 et le calcul du SCR dans le cadre de la Formule Standard (y compris USP).

Le 8 décembre dernier, l’EIOPA lançait un appel à la consultation. Celui-ci se terminera le 3 mars 2017.

Objectifs de la consultation

A la manière des études quantitatives d’impacts avant la mise en place de Solvabilité 2 (QIS 1 à QIS 5 entre 2006 et 2011), le régulateur fait appel aux organismes assureurs pour donner leur avis quantitatif et qualitatif sur le calcul du SCR selon la Formule Standard.

Les organismes assureurs intéressés sont invités à envoyer leurs commentaires avant le 3 mars 2017, en utilisant le modèle spécifique et personnalisé de référence. L’EIOPA mettra tous les commentaires à disposition sur son site internet, à moins que les répondants demandent expressément la confidentialité de leurs exposés.

Avec cette consultation, l’EIOPA entame un important processus de post-évaluation de Solvabilité 2. Gabriel Bernardino, président de l’EIOPA, explique que cet exercice « marque la première phase du processus d’examen de Solvabilité 2. Par conséquent, [il invite] tous les intervenants à partager avec [l’EIOPA] des renseignements fondés sur des données probantes et des changements nécessaires et justifiés. L’EIOPA s’intéresse particulièrement aux propositions concrètes visant à atteindre l’objectif de plus de simplicité et de proportionnalité tout en reflétant la sensibilité au risque du système et en évitant la pro-cyclicité ».

Dans la pratique, les réponses devraient être consolidées par les différentes fédérations et groupes de travail européens. Parmi les principaux contributeurs, on compte notamment :

  • Insurance Europe, représentant les entités d’assurance. Insurance Europe coordonne les réponses des groupes de travail mis en place au sein de chaque fédération professionnelle (telle que la FFA en France) ;
  • LAAE (association actuarielle européenne), qui coordonne les réponses des instituts des actuaires des différents états européens ;
  • Le CFO forum, regroupant des Directeurs financiers des principales entités d’assurance européennes, et le CRO forum regroupant les directeurs des risques.

Ces différentes instances feront parvenir à l’EIOPA des éléments de réponse aux différents points de revue pour le 3 mars. S’ensuivra ensuite une phase d’échanges et d’analyse entre l’EIOPA, la Commission Européenne et les différents acteurs.

Détails du document

Pour cadrer les réflexions, l’EIOPA a communiqué un document de 118 pages comportant environ 200 questions, auxquelles sont libres de répondre ou non les organismes assureurs. Ce « Discussion Paper » est divisé en 21 sections, couvrant l’ensemble des calculs définissant le SCR. Les sujets principaux sont :

  • Section 1 à 4 : aspects généraux de la Formule Standard
  • Section 5 & 6 : module risque de souscription non-vie
  • Section 7 à 9 : module risque de catastrophe non-vie et santé
  • Section 10 : module risque de souscription vie
  • Section 11 : établissement des USP (mettre un lien vers notre article USP)
  • Section 12 & 13 : module risque de défaut des contreparties
  • Section 14 à 17 : module risque de marché
  • Section 18 : capacité d’absorption par les impôts différés
  • Section 19 : calcul de la Marge de Risque
  • Section 20 & 21 : établissement des fonds propres

Les questions invitent les participants à s’interroger et à partager leurs réflexions sur toute l’étendue du calcul du SCR. Les questions sont ouvertes et laissent les organismes assureurs libres de s’exprimer à la fois sur les méthodes, sur les hypothèses et sur les niveaux des chocs.

Quelques exemples de questions

A la lecture du document, certaines questions nous ont semblé refléter l’esprit général de la consultation. Les quelques exemples suivants ne se veulent en aucun cas exhaustifs mais simplement illustratifs des attentes de l’EIOPA, sur des sujets d’actualité.

  • Taux bas :

Au moment de l’adoption du texte Omnibus 2 (mars 2014), le taux risque-neutre de maturité 10 ans était de 2,34% contre 0,5% (avec VA) au 30 octobre 2016. Ainsi, l’EIOPA interroge les organismes assureurs sur la pertinence du choc proposé dans le sous-module de risque Choc de taux à la baisse, dans cet environnement actuel à faible rendement. Les questions sont ouvertes et permettent aux assureurs de donner leur avis :

  • Q17-2 « Dans quelles conditions et circonstances la question pourrait-elle être résolue en fixant un choc minimal à la baisse? Comment calibrer ce minimum? »
  • Q17-3 « Avez-vous des commentaires sur les principaux problèmes identifiés? Selon vous, quels sont les principaux risques de taux d’intérêt auxquels sont confrontées les entreprises d’assurance? »
  • Sous-Module de risque Choc de Primes

Des discussions notamment sur le marché français concernent le nombre de mois de primes à prendre en compte dans le sous-module de risque Choc de Primes. Historiquement, le calcul du SCR était basé sur 12 mois de primes. En 2015, l’ACPR avait fourni son analyse du texte, amenant de nombreux organismes à baser leur calcul sur 14 mois de primes.

L’EIOPA propose de revoir la rédaction de l’article, aujourd’hui ambiguë. Cette réécriture amènerait à retenir un volume sous risque plus important, de 16 mois à 24 mois de primes selon les organismes.

La proposition de réécriture entrainerait donc une forte hausse du SCR de primes (+10% à +75% selon les cas) pour les entités santé, prévoyance et non vie et fait l’objet de nombreuses discussions sur le marché.

  • Risque de Mortalité et de Longévité

La mesure des risques de mortalité et de longévité est estimée via le modèle de Lee Carter. Les organismes assureurs sont invités, s’ils le souhaitent, à se prononcer sur le choix du modèle et en proposer un nouveau qui pourrait leur sembler plus approprié (question 10-1).

  • Risque de défaut des contreparties

En introduction des deux sections sur le module risque de défaut des contreparties, les assureurs peuvent expliquer les difficultés précédemment rencontrées lors du calcul au 01/01/2016 notamment. Ainsi sont-ils invités à lister les éventuelles expositions sur lesquelles ils n’étaient pas certains qu’elles doivent être traitées dans le module de défaut des contreparties. Il est demandé de compléter ces exemples en fournissant les dispositions légales jugées ambiguës.

Intérêts de la participation

L’exercice de réponse à ces consultations est une aubaine pour tous les organismes assureurs. Bien traitée au niveau européen, elle pourrait mener à moyen terme à des modifications des textes réglementaires et des simplifications dans la mesure des risques.

Des discussions sont en cours au sein des différents organismes professionnels pour homogénéiser les discours et les positions. L’implication des acteurs permettra au monde de l’assurance de peser de tout son poids lors de cet exercice important :

  • Les modifications envisagées pourraient avoir un impact fort sur le SCR (SCR prime, SCR vie, SCR taux, marge de risques…). Dans ce contexte, il apparait essentiel de s’assurer de leur effet avant de fixer les nouveaux textes réglementaires.
  • La Commission Européenne a réaffirmé son souhait d’aller vers une simplification de la formule standard. Les premières propositions de l’EIOPA ne vont cependant pas toutes dans ce sens. Là aussi, la vigilance du marché devrait permettre de s’assurer que la réécriture des règles de calcul ne se traduise pas par une complexité supplémentaire.
  • De plus, dans le module de Marché, un aménagement des chocs applicables à certains types d’actifs fait partie des réflexions. Il s’agit d’un sujet sur lequel les assureurs s’expriment régulièrement, demandant une diminution du traitement prudentiel applicable à certains actifs financiers en vue de faciliter leur rôle d’investisseurs à long terme. Ils pourraient profiter de cette consultation pour se faire entendre.

 

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