3ème évaluation de l'ORSA : Adéquation de la formule standard au profil de risque

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L’ORSA (Own Risk Solvency Assesment) est un processus interne d’évaluation des risques et de la solvabilité par des organismes (ou groupes) européens. Il est défini dans l’article 45 de la directive-cadre et fait partie intégrante du pilier 2  de Solvabilité 2. Dans ce cadre, il est demandé aux organismes de procéder à trois évaluations :

  1. l’évaluation du besoin global de solvabilité,
  2. l’évaluation du respect permanent des obligations réglementaires concernant la couverture du SCR, du MCR et des exigences concernant le calcul des provisions techniques,
  3. l’évaluation de la mesure dans laquelle le profil de risque de l’organisme s’écarte des hypothèses qui sous-tendent le calcul du SCR.

Ce billet traite de la 3ème évaluation et a pour but de donner des pistes de réflexion sur le sujet en attendant la publication  de l’EIOPA s’agissant des principales hypothèses qui sous-tendent le calibrage de la formule standard, prévue pour mai 2014.

Objectif de la 3ème évaluation de l’ORSA

La 3ème évaluation de l’ORSA demande à l’organisme d’évaluer la mesure dans laquelle son profil de risque propre est bien traduit dans les hypothèses de la méthode de calcul du SCR auquel il a recours. L’organisme est donc amené à se poser la question de savoir :

  • si la calibration de ces risques dans le calcul du SCR est conforme à son profil de risque ;
  • si l’interdépendance entre les risques de l’organisme correspond bien à la façon dont celle-ci est modélisée dans le calcul du SCR ;
  • enfin, si tous les risques quantifiables et importants auquel il est soumis sont contenus dans le calcul du SCR.

Ce billet traite en priorité du cas des organismes qui calculent leur exigence de capital par le biais de la formule standard. Il est à noter que cette évaluation doit être réalisée que l’organisme ait recours à la formule standard ou à un modèle interne pour calculer son SCR réglementaire.

1. Calibrage des risques

La formule standard étant calibrée pour toutes les compagnies, par construction, elle ne tient pas compte des spécificités de chaque organisme. Des illustrations des écarts de calibration sont matérialisées par les USP, le risque opérationnel ou le risque de catastrophe.

1.1. Les USP

Pour les organismes qui proposent des garanties de non-vie ou de santé (classées dans les modules de risque NSLT ou Health NSLT), la directive permet l’utilisation de paramètres spécifiques appelés USP (cf. ce billet), en lieu et place de paramètres standard, pour les organismes dont le profil de risque s’écarterait de celui de la formule standard.

Les USP peuvent être utilisés pour mesurer la cohérence des risques premium et reserve évalués par la formule standard par :

  • la vérification des hypothèses des modèles préconisés par l’EIOPA pour le calibrage des USP : si ces hypothèses ne sont pas vérifiées, le profil de risque de l’organisme s’écarte de celui de la formule standard ;
  • les résultats obtenus par le calibrage des USP : ils permettent de confirmer ou d’infirmer le caractère adéquat des paramètres standard et d’en mesurer l’écart.

1.2. Le risque opérationnel

Ce risque est relatif aux pertes résultant de procédures internes inadaptées ou défaillantes de membres du personnel et des systèmes, ou d’événements extérieurs.

L’organisme peut se constituer une base d’incidents survenus avec les pertes associées. Cela lui permettrait de construire les lois de fréquence et de gravité de ces incidents. A terme, cette étude conduit à une évaluation de capital au titre du risque opérationnel et ainsi de contrôler le calibrage de la formule standard par comparaison des capitaux proposés par les deux types de modèle.

Cette étude nécessite un volume de données très important pour prendre en compte la queue de distribution des pertes associées aux incidents opérationnels. Il conviendrait par conséquent de prévoir une concentration de données a minima au niveau du groupe.

Enfin, les études menées en milieu bancaire (plus en avance sur ce type de problématique) peuvent servir d’inspiration pour la modélisation du risque opérationnel.

1.3. Le risque catastrophe

Les catastrophes correspondent à des événements de faible fréquence et de forte sévérité. Cette faible fréquence a notamment pour conséquence la faiblesse des données historiques. De ce fait :

  • les approches statistiques basées sur l’historique de sinistralité sont difficiles à mettre en oeuvre,
  • il est difficile d’identifier et de localiser le risque, i.e. d’identifier des événements qui ne se sont pas encore produits.

Pour modéliser ce risque il est donc nécessaire de combiner différentes expertises (climatologues, sismologues, actuaires, ingénieurs, etc.) et de disposer de données nombreuses et précises.

2. Interdépendance entre les risques

Le calcul de SCR par la formule standard repose sur une méthodologie d’agrégation de risques marginaux (de type “bottom-up”) par le biais d’une matrice de corrélation.

Formalisation : pour une compagnie exposée à deux risques $X$ et $Y$, la méthode d’agrégation de la formule standard est la suivante :

begin{equation} SCR= sqrt{C_{X}^{2}+C_{Y}^{2}+2rho_{X,Y}C_{X}C_{Y}}, end{equation}

où :

  • $C_{X}$ (resp. $C_{Y}$) est le capital marginal au titre du risque $X$ (resp. $Y$),
  • $rho_{X,Y}$ le coefficient de corrélation linéaire des risques $X$ et $Y$.

Cette formalisation impose que les hypothèses ci-après soient vérifiées :

  • H1 : agréger au moyen du coefficient de corrélation linéaire impose de disposer d’une structure affine des fonds propres, i.e. de la forme : $FP=int+aX+bY$,
  • H2 : pour établir l’égalité (1), il est nécessaire que les variables standardisées (i.e. centrées et réduites) des fonds propres, $X$ et $Y$ soient identiquement distribuées. Cette condition  est assurée si le couple $(X,Y)$ est elliptique et si H1 est vérifiée.

Sous ces hypothèses, l’approche moyenne-variance de Markowitz (1952) conduit au résultat :

begin{equation} C_{global}= sqrt{C_{X}^{2}+C_{Y}^{2}+2rho_{X,Y}sg(ab)C_{X}C_{Y}}. end{equation}

(Si $a$ et $b$ sont de même signe, on retrouve (1)).

La difficulté reste de disposer de suffisamment de données (remplissant les critères de qualité de Solvabilité 2) pour modéliser correctement $X$ et $Y$ pour vérifier les hypothèses d’agrégation.

3. Les risques non-explicités dans la formule standard

L’ORSA couvre un périmètre plus large que celui du SCR, puisqu’il couvre l’ensemble des risques importants (i.e. susceptibles d’influencer le jugement et la décision), que ceux-ci soient ou non quantifiables. En d’autres termes, les risques découlant de décision stratégiques et les risques de réputation doivent notamment être pris en compte dans l’évaluation de l’ORSA.

3.1. Le risque stratégique

Il s’agit d’un risque pouvant survenir dans les secteurs de la direction, de l’organisation, du marché, des procédures commerciales, des finances, du personnel etc., i.e. un risque qui concerne la bonne marche de la stratégie d’entreprise (lancement de produit par exemple).

3.2. Le risque de réputation

Le risque de réputation correspond à tout ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la réputation d’une organisation (actions, événements, circonstances…). Il regroupe à la fois :

  • un risque d’image se définissant comme l’écart entre l’image que se donne l’entreprise en interne et l’image perçue à l’extérieur,
  • et un risque d’organisation, conséquence d’un risque interne à l’entreprise (risque opérationnel, risque financier, etc.)

Ces risques sont difficilement quantifiables par des approches purement actuarielles ou statistiques. Il semble dans ce cas, adéquat de procéder par une démarche qualitative autour d’un pôle d’experts (i.e. par la perception de ces risques par les gestionnaires de risques, les départements métiers et le top management) et d’appréhender ces risques dans leur niveau global. Ces risques peuvent être ensuite ralliés aux processus susceptibles d’être concernés. Cela permet de se focaliser sur les risques clefs. On parle d’approche “top down”.

Références
ACPR (2014), “Préparation à Solvabilité 2, Enseignements de l’exercice d’ORSA pilote 2013”
European Commission (2014), Draft Delegated Acts Solvency 2
EIOPA (2011), Draft proposal for Implementing Technical Standard on Undertaking Specific Parameters: Methods, EIOPA-FinReq-11/023
Gamonet J. (2006), “modélisation du risque opérationnel dans l’assurance”, Mémoire d’actuariat (CEA)

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