Mise en place de la réforme 100% Santé : les impacts attendus

1.     La réforme 100% Santé

Les accords relatifs à la mise en œuvre de la réforme « 100% Santé » (ou « Reste à charge 0 ») ont été signés entre l’Assurance maladie et les professionnels de santé concernés (opticiens, audioprothésistes, dentistes) au mois de juin 2018.

Cette réforme, qui entre en vigueur progressivement à partir du 01/01/2019, nécessite un ajustement des contrats d’assurance complémentaire Santé tant sur le contenu (ajustement des grilles de garanties aux nouvelles dispositions) que sur la tarification.

1.1.       Contexte

L’objectif annoncé de la réforme 100% Santé est de lutter contre le renoncement aux soins en assurant un reste à charge nul d’ici 2021 sur des paniers de soins « nécessaires et de qualité » appelés « Panier 100% Santé » en Optique, Dentaire et Audioprothèses.

Les contrats complémentaires Santé doivent ainsi être adaptés afin d’assurer un reste à charge nul sur le « Panier 100% Santé » :

  • Dès 2020 en Optique et Dentaire ;
  • En 2021 sur l’Audioprothèse.

La réforme 100% Santé s’accompagne notamment de la refonte des nomenclatures des actes concernés dans les trois domaines, de différentes mesures tarifaires mais également de la mise à jour des critères définissant les contrats responsables.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’en parallèle de la réforme 100% Santé, les organismes assureurs Santé se sont engagés à améliorer la lisibilité des contrats. Le respect de cet accord nécessite une refonte des grilles de garanties (et par conséquent de la documentation contractuelle) à effet 2020 afin d’intégrer :

  • Les postes et libellés harmonisés prévus dans l’accord ;
  • Les exemples types imposés (exemples de remboursement en euros basés sur des prix moyens nationaux).

1.2.       Evolution des nomenclatures et définition des paniers de soins

La mise en place du « 100% Santé » s’accompagne d’une refonte des nomenclatures en dentaire, optique et audioprothèse afin d’intégrer la différenciation des actes selon les paniers de soins.

Cette modification des nomenclatures, particulièrement en dentaire et optique, complexifie l’étude précise de la réforme. En effet, un acte spécifique défini dans la nomenclature actuelle peut être associé à plusieurs actes dans la nouvelle nomenclature.

En dentaire, la nouvelle nomenclature publiée au Journal Officiel le 20 août 2018, revoie les libellés et bases de remboursement des actes et classe les actes prothétiques dentaires (incluant les actes d’inlays-onlays et d’inlay-cores) en trois paniers de soins en fonction du matériau utilisé et de la position de la dent soignée. Ces dispositions entrent en vigueur progressivement à partir du 1er avril 2019.

Trois paniers de soins ont été définis dans la nouvelle convention dentaire :

  • Le panier de soins « 100% Santé » (ou « RAC 0 ») est composé des prothèses qui seront prises en charge intégralement par les assurances maladie Obligatoire et Complémentaire. Il inclut notamment les couronnes dentaires et bridges céramométalliques sur dents visibles (ce panier n’inclut pas les actes d’inlays-onlays). L’absence de reste à charge devra être effectif dès 2020 pour une partie des actes et en 2021 pour l’ensemble du panier.
  • Le panier de soins à « Reste à charge maîtrisé » (« RAC maitrisé ») est composé d’actes sans garantie de prise en charge intégrale mais dont les tarifs seront plafonnés. Il inclut notamment les couronnes dentaires céramométalliques sur 2èmes prémolaires.
  • Le panier de soins à tarifs libres contient les actes prothétiques dentaires dont les tarifs ne seront pas plafonnés.

En optique, la nomenclature fixée dans l’arrêté du 3 décembre 2018, définit deux paniers de soins à partir de 2020 : le premier incluant les équipements optiques (verres et montures) de classe A qui seront intégralement pris en charge dès 2020 par le régime de base et les complémentaires santé, le second composé des équipements de classe B, dont les tarifs resteront libres.

Concernant les aides auditives, la nomenclature fixée dans l’arrêté du 14 novembre 2018, définit deux paniers de soins à partir de 2021 : le premier incluant les aides auditives de classe I qui seront intégralement prises en charge dès 2021, le second composé des équipements de classe II, dont les tarifs demeureront libres.

1.3.       Les mesures tarifaires

Bien que l’absence de reste à charge soit imposée dès 2021 sur l’ensemble des actes du panier « 100% Santé » dans les 3 domaines, la mise en place de cette réforme s’étend jusqu’en 2023.

Les principales mesures tarifaires prévues sont les suivantes :

  • Revalorisation progressive des Bases de Remboursement de la Sécurité Sociale (BRSS) de certains actes dans les trois domaines, selon le calendrier suivant :
    • Entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2021 pour les aides auditives (doublement des bases de remboursement, quel que soit le type d’appareil) ;
    • Entre le 1er avril 2019 et 1er janvier 2023 en dentaire (soins dentaires et actes prothétiques dentaires) ;
    • Le 1er janvier 2020 en optique, pour les actes du panier 100% Santé uniquement.
  • Mise en place puis abaissement progressif de Prix Limites de Vente (PLV) pour les actes inclus dans les paniers de soins « 100% Santé » des trois domaines (et le panier « RAC maîtrisé » en dentaire) :
    • Entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2021 pour les aides auditives ;
    • Entre le 1er avril 2019 et 1er janvier 2022 en dentaire (actes prothétiques dentaires des paniers « 100% santé » et « RAC maîtrisé »)
    • Le 1er janvier 2020 en optique.
  • Mise en place et évolution des plafonds de remboursement dans le cadre des contrats responsables pour les actes exclus des paniers de soins « 100% Santé » en optique et audioprothèse (décret fixant les nouveaux critères encadrant les contrats responsables du 11 janvier 2019) :
    • Abaissement du plafond de remboursement des montures de classe B (à tarifs libres) à 100 € à partir du 1er janvier 2020, contre 150 € actuellement (ce plafond inclut les remboursements obligatoire et complémentaire).

Bien que le décret détermine une nouvelle définition des verres simples, complexes et hypercomplexes, les plafonds de remboursement attribués à chaque type de verres n’évoluent pas.

Au global, les plafonds par équipement (verres + monture) sont donc abaissés de 50€.

  • Mise en place d’un plafond de remboursement des aides auditives de classe II (à tarifs libres) à 1 700 € à partir du 1er janvier 2021 (ce plafond inclut les remboursements obligatoire et complémentaire).

2.     Les impacts tarifaires attendus par niveau de couverture

Les impacts estimés par GALEA & Associés sur les différents types de contrats (« entrée de gamme » à « haut de gamme ») sont présentés ci-après en explicitant les effets des mécanismes mis en œuvre par la réforme en fonction des niveaux de garanties sous-jacents.

2.1.       Sur les contrats « entrée de gamme »

Sur les contrats « entrée de gamme » (type panier de soins ANI), il convient de prévoir un fort taux de recours au panier de soins « 100% Santé ».

Par ailleurs, sur ces contrats, la mise en place de la réforme devrait entraîner une hausse globale de la fréquence de consommation concentrée essentiellement sur les actes du panier de soins « 100% Santé » (le but de la réforme étant de lutter contre le renoncement aux soins pour raison financières, l’utilisation des garanties devrait être plus forte).

Outre la hausse globale des taux « d’utilisation » des garanties, les impacts sont multiples :

En dentaire, une hausse significative des charges attendue pour les complémentaires :

  • Sur les soins, les revalorisations des bases de remboursement engendreront une hausse mécanique des remboursements complémentaires, indépendante du niveau de garantie (les dentistes ne sont pas autorisés, sauf cas exceptionnel, à pratiquer des dépassements sur les soins, les contrats couvrent donc le ticket modérateur, indépendant du niveau de garantie). Ces impacts seront proportionnels au poids du sous-poste « Soins dentaires ».
  • Concernant les actes prothétiques, les garanties étant généralement exprimées en fonction de la base de remboursement, la revalorisation significative des bases de remboursement (notamment de 107,50€ à 120€ pour une couronne, soit +11,6%) induira de fait une hausse des remboursements complémentaires.
  • Le taux de recours au panier de soins « 100% Santé » devrait être important, les restes à charge étant généralement significatifs sur les prothèses. Par ailleurs, pour les niveaux de couverture offrant des prestations actuelles inférieures aux Prix limites de Vente (PLV) mis en place, l’engagement 100% Santé induit une hausse des garanties et donc des charges.

En optique, les impacts tarifaires sont a priori limités :

  • L’abaissement du plafond de remboursement des contrats responsables pour les montures à 100 € n’impacte pas les contrats d’entrée de gamme, la garantie monture étant dans la majorité des cas inférieure à ce plafond ;
  • L’effet, à la baisse, induit par le taux de recours aux équipements de classe A devrait être compensé par une légère hausse du remboursement complémentaire engendrée par la baisse drastique du remboursement obligatoire (les bases de remboursement étant fixées à 0,05 € à partir de 2020). Cet effet est accentué sur les remboursements des équipements pour enfants, les bases de remboursement étant initialement plus élevées que celles des adultes.

En audioprothèse, la faible fréquence, pour les populations actives, devrait limiter la hausse significative du coût moyen par acte :

  • Le doublement de la base de remboursement impactera fortement les contrats « entrée de gamme » et notamment le « panier ANI » qui prévoit une prise en charge à hauteur de 100% de la Base de Remboursement du régime de base ;
  • Le taux de recours aux équipements de classe I devrait être élevé (sans reste à charge), entrainant une forte hausse du remboursement complémentaire.

2.2.       Sur les contrats « haut de gamme »

Sur les contrats à très bon niveau de couverture, il convient de prévoir un taux de recours aux paniers de soins « 100% Santé » très faible, les assurés ayant la possibilité d’accéder à des équipements de meilleure qualité avec un reste à charge limité, voire nul.

Sur ces contrats, il est donc probable que la mise en place de la réforme n’entrainera pas de hausse globale de la fréquence de consommations, les niveaux élevés de garantie permettant déjà de limiter le renoncement aux soins pour raisons financières.

En dentaire, les impacts tarifaires devraient être légèrement haussiers :

  • Pour les soins, les revalorisations des bases de remboursement engendreront une hausse mécanique des remboursements complémentaires indépendamment du niveau de garantie (les dentistes ne sont pas autorisés, sauf cas exceptionnel, à pratiquer des dépassements sur les soins). Ces impacts étant toutefois proportionnels au poids du sous-poste « Soins dentaires » (généralement plus faible sur les contrats « haut de gamme »), on peut prévoir un impact moins important que sur les faibles niveaux de garanties.
  • Concernant les actes prothétiques, les garanties étant généralement fonction de la base de remboursement, les revalorisations significatives des bases de remboursement induiront de fait une hausse des remboursements complémentaires.
  • Sur ces niveaux de garanties, le recours aux paniers de soins « 100% Santé » induira une baisse des remboursements complémentaires, les niveaux de couvertures étant supérieurs aux PLV. Le taux de recours anticipé au panier de soins « 100% Santé » étant toutefois limité, le gain devrait être faible.

En optique, des impacts tarifaires à la baisse sont anticipés :

  • L’abaissement du plafond de remboursement des contrats responsables pour les montures à 100 € (au lieu de 150€ actuellement) impactera favorablement les contrats haut de gamme et devrait induire une baisse significative des remboursements complémentaires.
  • Le taux de recours aux équipements de classe A sera probablement très limité et n’engendrera pas d’économies significatives.
  • L’effet engendré par la forte diminution des bases de remboursement des équipements de classe B n’aura qu’un impact très limité, le remboursement du régime de base étant peu significatif.

L’impact sur le poste aides auditives est conditionné à l’expression des garanties :

  • Le recours au panier 100% Santé induit une baisse des remboursements complémentaires dans le cas où le niveau des couvertures est supérieur aux PLV. Les PLV appliqués à partir de 2021 étant nettement abaissés, les garanties des contrats haut de gamme peuvent être aujourd’hui supérieures à ce PLV, les remboursements complémentaires seront donc minorés. Cet effet reste toutefois limité du fait d’un taux de recours anticipé au panier « 100% Santé » faible et du poids réduit de ce poste de dépenses dans les charges des régimes, notamment pour les populations actives.
  • Le doublement de la base de remboursement impactera fortement les garanties exprimées en fonction de la base de remboursement (par exemple, 500% BR) mais sera faible sur les garanties exprimées en forfait (par exemple, 100% BR + 1000€).
  • Sur les contrats très haut de gamme, la limitation des remboursements sur les contrats responsables à 1 700 € pourrait avoir un impact à la baisse sur le niveau des prestations, mais la plupart des contrats n’atteignent pas ce niveau de couverture.

2.3.       Evaluation des impacts attendus

Les impacts dépendent fortement des spécificités du portefeuille et notamment les caractéristiques de la population sous risques et les modalités d’expression des garanties.

Par ailleurs, l’estimation des évolutions de comportement des assurés s’avère complexe. Les chiffrages annoncés dans la presse par différents intervenants du marché présentent de fortes disparités et témoignent de la complexité et de la sensibilité de ces estimations : pour les contrats Entrée de gamme, les impacts annoncés varient ainsi de 4% à plus de 15% et pour les contrats Haut de gamme, ils oscillent entre l’absence d’impact et un gain de plus de 5%.

La mesure des impacts doit donc faire l’objet d’analyses spécifiques sur chaque portefeuille, basées à l’idéal sur l’exploitation fine des bases de données des prestations réelles afin de calibrer au mieux les hypothèses sous-jacentes.

Des indicateurs de suivi des impacts a posteriori doivent être définis en amont et mis en œuvre dès 2020 afin d’affiner les modèles et, le cas échéant, ajuster les hypothèses de tarification.

Les consultants de GALEA & Associés interviennent sur ces problématiques et se tiennent à votre disposition pour vous assister dans le cadre de ces évolutions.

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