Assurance des emprunteurs : vers un imbroglio autour de la possibilité de résiliation annuelle des contrats emprunteurs ?

Avant la mise en place de la loi Lagarde, les établissements bancaires avaient la possibilité d’imposer aux emprunteurs le choix de leur assurance de crédit.

Rappel des lois Lagarde (2010) et Hamon (2014)

Depuis Septembre 2010 et l’entrée en vigueur de la Loi Lagarde, « le prêteur ne peut pas refuser en garantie un autre contrat d’assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d’assurance de groupe qu’il propose. Toute décision de refus doit être motivée » (Article L 312-9 du Code de la consommation).

Afin de développer encore davantage le jeu de concurrence et donner une plus grande latitude de choix aux emprunteurs, la loi Hamon du 26 juillet 2014 a été instaurée. Celle-ci offre aux emprunteurs la possibilité de résilier leur contrat pendant les 12 premiers mois suivants la souscription d’un prêt.

La cour d’appel de Bordeaux autorise la résiliation à échéance annuelle

A la suite d’un litige opposant un emprunteur à sa banque, la cour d’appel de Bordeaux a décidé, le 23 mars 2015, d’étendre cette loi en permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat à chaque échéance annuelle. La Cour d’appel Douai a également statué dans le même sens le 21 janvier 2016.

Ces décisions se fondent sur l’article L 113-12 du Code des assurances qui stipule que le droit de résiliation annuelle est un droit commun, et que de ce fait, « les dispositions propres à l’assurance emprunteur et à l’assurance groupe n’excluent pas la faculté de résiliation annuelle » prévue par cet article. De plus, l’article L312-9 du Code de la consommation ne faisant pas de référence explicite à la résiliation à échéance annuelle, il n’y a pas lieu de considérer que cet article rejette cette faculté.

9 Mars 2016 : la cour de cassation rejette cette décision

Cependant, contre toute attente, la cour de cassation a décidé le 9 Mars 2016 de rejeter ces décisions accusant la cour d’appel d’avoir « violé les textes et principes susvisés ». La cour de cassation a donc pris le contrepied total de la décision de la cour d’appel de Bordeaux, remarquant justement que l’article L 312-9 du Code de la consommation n’autorise pas explicitement la résiliation annuelle du contrat collectif d’assurance emprunteur. La Cour en a donc conclut que le droit à la résiliation annuelle n’existait pas pour les contrats emprunteurs.

Ce faisant, la cour de cassation fait ainsi prévaloir le Code de la consommation au Code des assurances soulevant alors de nombreuses incompréhensions : Maître Jean de Salve de Bruneton, avocat au Conseil, s’interroge : « Est-ce que cela permet de considérer que cette disposition du code de la consommation exclut cette faculté alors qu’une telle résiliation paraît devoir être régie par le code des assurances ? Il est surprenant que le code de la consommation nuise au consommateur et le prive d’un droit, par ailleurs, prévu par le code des assurances ».

Par ailleurs, un autre argument sous-jacent à ce rejet est que la Loi Hamon permettant la résiliation pendant les douze premiers mois n’aurait pas de sens si la résiliation à échéance annuelle était autorisée.

Une bataille juridique en perspective ?

Néanmoins, cette question n’est pas encore totalement tranchée et il est envisageable que cette jurisprudence soit amenée de nouveau à évoluer. La cour d’appel de Toulouse devant statuer sur cette question dans les prochains mois, elle pourrait refuser de s’aligner sur la décision de la Cour de cassation. De plus, de nouvelles affaires sont encore en cours d’instruction et les décisions des juridictions de fond sont attendues par les professionnels.

Des enjeux financiers importants autour de cette question

Il s’avère que les enjeux autour de ce sujet sont importants. Bien que la loi Hamon permette la résiliation jusqu’à un an après la souscription du contrat, le marché de la délégation d’assurance reste néanmoins fermé au profit des bancassureurs qui en absorbent 85%.

De plus, malgré les économies non négligeables que permettraient la délégation d’assurance, la loi Hamon n’a que très peu d’influence. En effet, d’après une étude du courtier Meilleurtaux.com, seuls 15% des demandes de délégation résultent de cette loi. Les raisons à cela sont nombreuses :

  • Une méconnaissance des emprunteurs du dispositif de délégation d’assurance ;
  • La faiblesse des taux de crédit actuels faisant oublier le tarif de l’assurance ;
  • La complexité administrative liée à ce processus ;
  • La réticence des banques qui mettent souvent des freins pour laisser partir les clients : C’est d’ailleurs en ce sens que l’UFC Que Choisir a saisi l’ACPR en Septembre 2015 afin qu’elle diligente une enquête sur la résistance bancaire à la loi Hamon.

Compte tenu des enjeux financiers autour du marché de l’emprunteur, la question de la résiliation annuelle n’est pas close et risque de susciter encore de longs et nombreux débats dans le monde de l’assurance.

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